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NOTICE

tion, l’état de bête ne peut donc se comprendre que par rapport à l’existence terrestre des hommes originaires et par rapport à un moment où, une fois morts et après avoir payé les peines ou reçu les récompenses dues, ils doivent venir à une nouvelle existence. Comment se détermine la condition de cette nouvelle existence ? La réponse est, sommairement indiquée ici, celle que développe le mythe d’Er dans la République (cf. p. 41, n. 1) : il y a un rôle pour le sort et un rôle pour le choix ; c’est le sort qui assigne aux âmes le rang dans lequel elles seront appelées à choisir entre leurs futures existences ; celles-ci, combinées et dosées d’avance, sont proposées à leur choix en plus grand nombre que celui des candidats ; elles sont enfin, semble-t-il (cf. 619 c déb.), comme des paquets clos, qui portent une étiquette simplement générique mais dont le contenu reste ignoré dans son détail. Or, parmi ces existences, il y a des existences de bêtes, et, pour des raisons diverses, elles peuvent à certaines âmes paraître préférables à des existences humaines[1]. Il est à noter enfin que ce choix, limité par le hasard du rang et qui peut s’orienter vers une vie de bête, appartient, d’après le Phèdre, aussi bien aux âmes qui viennent de recevoir en un endroit du ciel la récompense de leur vie terrestre, qu’à celles dont l’expiation vient de s’achever aux enfers. Bien plus, la République fait observer que ces âmes venues du ciel ne sont pas, tant s’en faut, les moins exposées à se tromper dans leur choix : c’est justement parce que la vertu dont elles ont été récompensées se fondait moins sur la philosophie que sur l’inertie des habitudes en relation avec un bon naturel

  1. On peut se demander cependant si là-dessus la pensée de Platon n’a pas évolué. Dans le Phédon en effet (81 e-82 b, cf. 83 d fin) et, d’autre part, dans le Timée (41 bc, 76 d, 90 e-92 b), la condition de bête n’est pas le fait d’une option, mais le résultat nécessaire d’une vie humaine antérieure que dominaient de mauvais penchants et un résultat en harmonie avec ces penchants ; du supérieur à l’inférieur, la série de ces dégradations de l’homme commence par la femme, qui provient d’un homme lâche et injuste, et elle finit aux animaux aquatiques, qui descendent des hommes les plus intelligents et les plus ignorants. Peut-être, à la vérité, les deux conceptions ne sont-elles pas inconciliables. Peut-être aussi Platon pense-t-il que dans ce domaine mythique une vraisemblance n’est pas loin d’en valoir une autre.