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NOTICE

idée est que le délai au terme duquel les âmes, de nouveau ailées, reviendront prendre leur place dans le chœur divin auquel elles ont appartenu est de dix mille ans, mais que tous les mille ans elles recommencent une nouvelle existence terrestre[1]. Ceci posé, voici une âme qui achève, souillée d’injustice, sa première existence terrestre : le jugement la condamne (cf. 256 e) à subir dans les demeures souterraines d’Hadès une punition proportionnée à ses fautes, et cela jusqu’à ce qu’elle soit appelée mille ans plus tard à remonter sur la terre pour y vivre une seconde existence. Mais voici maintenant une âme dont la première vie fut juste : si c’est l’âme du vrai philosophe ou de celui qui unit à la philosophie l’amour de la jeunesse, elle montera pour mille ans au ciel ; après quoi elle redescendra sur la terre pour y commencer une nouvelle existence. Que celle-ci soit pareille à la première, consacrée comme elle à la justice, pareille aussi sera la récompense. S’il en est encore de même pour une troisième existence, alors cette âme connaîtra, à la fin seulement du troisième millénaire[2], le privilège d’un retour anticipé à son lieu d’origine. Ce n’est pas cependant au seul philosophe qu’est promis ce retour au ciel. Il l’est aussi, du moins pour « quelque endroit » du ciel[3], à d’autres âmes, mais après que le jugement aura décidé de ce qu’a valu leur existence terrestre ; peut-être même la résidence qui leur sera assignée est-elle proportionnée à cette valeur. Il semble que ce soient les âmes dont il sera question plus loin (256 c-e et p. 55, n. 1), âmes généreuses et nobles mais dénuées de philosophie.

    tout droit au ciel (cf. 256 b 4), tandis que celles dont les efforts pour redevenir ailées ont besoin d’être estimés doivent attendre le jugement (cf. 256 d 4) ; voir la suite.

  1. Ce qui, dans l’eschatologie du Phédon (113 e), est pour toujours refusé aux grands coupables. Ce que leur refuse, semble-t-il, celle de la République (X 615 c-616 a) c’est seulement le droit au recommencement millénaire dont il est question ici. Voir Théorie platon. de l’Amour, p. 167 sqq.
  2. Ce cycle de trois millénaires appartenait, d’après Hérodote (II 123), à la doctrine des Égyptiens, à laquelle les Grecs l’auraient emprunté sans le dire. Voir en outre Pindare, Olympiques II 75 sqq.
  3. Peut-être ce Paradis que le Phédon (108 c, 110 c-111 c, 114 bc) réservait aux philosophes. Cf. aussi Lois X 904 cd.