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PHÉDON

qui ont pu servir à la composer, mais plutôt de les suivre : » Ce fut aussi son avis. « Il s’en faut donc de beaucoup que, dans une harmonie, il puisse y avoir contrariété quant aux mouvements, aux sons, bref aucune contrariété par rapport aux éléments de cette harmonie. — Il s’en faut de beaucoup, assurément. — Nouvelle question : une harmonie n’est-elle pas, de sa nature, précisément l’harmonie qu’exigent chaque fois les éléments harmonisés ? — Je ne comprends pas, dit-il. — Ne serait-ce pas que, pour le cas (à b le supposer possible) où cette harmonisation aurait lieu plus grandement et avec plus d’étendue, il ne doit pas y avoir alors plus d’harmonie ni plus grande harmonie ; et, si c’était plus faiblement et avec moins d’étendue, une harmonie plus faible et moins étendue ? — Hé ! c’est incontestable[1] ! — Se peut-il, par suite, qu’il en soit, à l’égard de l’âme, de telle sorte qu’une âme ayant, dans le moindre de ses éléments, à un plus haut degré qu’une autre, plus d’étendue et de grandeur, ou moins d’étendue et plus de faiblesse, cela constitue ce que précisément elle est, savoir une âme ? — Jamais de la vie ! dit-il.

— Poursuivons donc, par Zeus ! reprit Socrate. On dit bien d’une âme[2], tantôt qu’elle a raison et vertu, qu’elle est bonne ; tantôt qu’elle a déraison et perversité, qu’elle est mauvaise ? Et c’est à bon droit qu’on le dit ? — c À bon droit, assurément. — Sur ce, écoutons un partisan de l’âme harmonie : de quelle sorte d’existence dira-t-il qu’existent dans les âmes ces choses que sont et la vertu et le vice ? Dira-t-il que c’est, et encore une autre harmonie[3], et une absence d’harmonie ? que cette âme-ci a été harmonisée, la bonne, et qu’en elle-même, étant une harmonie, elle possède une autre harmonie, tandis que celle-là, étant, elle, dépourvue d’harmonie, n’en possède pas une autre en elle-même ? — Pour ma part, dit

  1. Simmias ne comprenait pas, parce que, en Pythagoricien, il envisage chaque accord, moins dans son essence abstraite d’accord, que dans son contenu numérique et par rapport à l’échelle successive des sons. Mais il convient que tout accord, quelle qu’en soit l’étendue, est pareillement accord. Cf. Rep. VII, 531 a-c.
  2. C’est le second aspect de la thèse (93 ab) qui est examiné d’abord.
  3. Donc un accord essentiel, plus une modalité de cet accord. Dans la République la vertu est un accord des trois parties de l’âme, chacune faisant ce qui lui est propre, et pareil à celui des cordes de la lyre, la haute, la basse et la moyenne (IV, 443 de).