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PHÉDON

autres cas, que la destination des âmes correspondra aux similitudes que comportent leurs pratiques ? — C’est bien clair, dit-il ; comment n’en serait-il pas ainsi ? — Les plus heureux, n’est-ce pas ? dit Socrate, même dans ce groupe, ceux dont la destination et la place seront les meilleures, ce sont ceux qui se sont appliqués à cette vertu d’espèce sociale et civique, b à laquelle on donne ensemble le nom de tempérance et de justice, et qu’engendre, avec l’habitude et l’exercice, une pratique aussi dénuée de philosophie que d’intelligence[1]. — En quel sens, dis-moi, sont-ils les plus heureux ? — C’est que tout naturellement leur migration se fera, d’une manière assortie, vers quelque espèce animale qui soit sociable et policée, abeilles sans doute ou guêpes ou fourmis ; ou encore, s’ils retournent, à la vérité, vers leur même forme humaine, ce sera aussi pour donner naissance à de braves gens. — Naturellement. — Quant à l’espèce divine[2], nul en tout cas, s’il n’a point philosophé, s’il s’en est allé sans être pur totalement, n’a le droit d’y parvenir, mais c celui-là seulement qui est un ami du savoir !


La fonction de la philosophie.

« Eh bien ! voilà, Simmias mon camarade, et toi, Cébès, les motifs pour lesquels ceux qui, au sens droit du terme, se mêlent de philosopher se tiennent à l’écart de tous les désirs corporels sans exception, gardant une ferme attitude et ne se livrant pas à leur merci. La perte de leur patrimoine, la pauvreté ne leur font pas peur, comme à la foule des amis de la richesse ; pas davantage l’existence sans honneurs et sans gloire que donne l’infortune n’est faite pour les effrayer, comme ceux qui aiment le pouvoir et les honneurs. Et alors, ils se tiennent à l’écart de ces sortes de désirs. — Le contraire, Socrate, leur messiérait en effet ! dit Cébès. — À coup sûr, par Zeus ! reprit-il. Voilà donc pourquoi d tous ces gens-

  1. Telle est la vertu qui a été analysée 68 b-69 b. La conscience collective en fonde les maximes (Rep. VI, 492 a-493 d). Ceux-là même qui l’ont due à une dispensation divine (Ménon 99 b-100 a) n’en sont pas moins ceux qui, appelés à renaître, se trompent le plus lourdement sur le choix de leur destinée (Rep. X, 619 c-e). De même, Aristote distinguera vertus éthiques et vertus dianoétiques.
  2. L’espèce divine constitue, d’après le Timée 39 e sq., une des