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PHÉDON

a été dit mène bien aux résultats que voici[1] : ce qui est divin, immortel, b intelligible, ce dont la forme est une[2], ce qui est indissoluble et possède toujours en même façon son identité à soi-même, voilà à quoi l’âme ressemble le plus ; au contraire, ce qui est humain, mortel, non intelligible, ce dont la forme est multiple et qui est sujet à se dissoudre, ce qui jamais ne demeure identique à soi-même, voilà en revanche à quoi le corps ressemble le plus. À cela sommes-nous en état, mon cher Cébès, d’opposer une autre conception, et par là de prouver qu’il n’en est point ainsi ? — Nous en sommes hors d’état.

— Que s’ensuit-il ? Du moment qu’il en est ainsi, n’est-ce pas une prompte dissolution qui convient au corps, et à l’âme, par contre, une absolue indissolubilité ou bien quelque état qui en approche[3] ? — Et comment c non, en effet ! — Là-dessus, tu fais cette réflexion : après la mort de l’homme, ce qu’il y a en lui de visible, son corps, ce qui a place en outre dans quelque chose qui se voit, autrement dit ce qu’on appelle un cadavre, voilà à quoi il convient de se dissoudre, de se désagréger, de se perdre en fumée, et à quoi pourtant rien de tout cela n’arrive immédiatement. Bien au contraire, il résiste pendant un temps raisonnablement long ; pour un corps qui est, à l’heure du trépas, plein de grâce et dans tout l’éclat de sa fleur, cette durée est déjà très grande ; et c’est un fait que, s’il est décharné et comme momifié à l’image des momies d’Égypte[4], sa conservation est presque intégrale pendant un temps, autant dire, incalculable. Il y a du reste, d même dans un corps en putréfaction, des parties qui, comme les os, les tendons, tout ce qui est du même genre, sont néanmoins, à bien dire, immortelles. N’est-ce pas la vérité ? — Oui. — L’âme de son côté, alors, ce qui

  1. L’accord avec l’interlocuteur sur les conséquences de la thèse est la condition du progrès dialectique ; cf. 101 de et p. 12, n. 2.
  2. Elle est ce qu’elle est et rien que cela, sans aucune diversité interne : « une en soi et par soi » (78 d ; cf. 83 e).
  3. Car l’âme, qui n’est que semblable à l’Idée, n’en a pas l’absolue simplicité. Est-elle en soi un composé (cf. Rep. X, 612 a) ? Ainsi la concevra le Timée afin de lier le sensible aux Idées ; mais ce composé, seul un « méchant » voudrait le dissoudre (41 ab).
  4. Platon aime à parler des choses de l’Égypte (Phèdre 274 c sqq., Timée 21 c sqq., et al.).