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18 bc
Redoublement des consonnes

ouverte, p. ex. שֵׁחֵת*[1]. Si donc la voyelle de syllabe aiguë demeure, c’est qu’il y a en réalité un certain redoublement, une certaine prolongation de la consonne[2]. Cette raison est encore plus forte dans le cas du redoublement virtuel spontané d’une gutturale (p. ex. אַחִים, § 20 c) où l’on ne peut guère supposer un ancien redoublement réel[3]. La consonne un peu prolongée n’est pas longue, car alors on aurait le dagesh ; elle n’est pas brève, car alors la syllabe serait ouverte et l’on aurait une voyelle de syllabe ouverte ; elle est donc moyenne. Il n’y a rien de bien étonnant à ce qu’une langue qui a une série de voyelles moyennes (◌ָֽ, ◌ֵ, ◌ֹ) ait aussi des consonnes moyennes, intermédiaires entre la longue et la brève. Pour indiquer graphiquement ce phénomène on pourrait transcrire, p. ex. ha̦ī̯̆elåḏīm ou ha̦yyelåḏīm.

c Le redoublement fort (marqué par le dagesh fort) peut être nécessaire ou euphonique (§ h)[4]. Le redoublement nécessaire se trouve dans les cas suivants :

  1. 1) quand une consonne serait suivie immédiatement de la même consonne, p. ex. nåta̦n + nu = נָתַ֫נּוּ (entre les deux נ il n’y a aucun élément vocalique) ; kåra̦t + ti = כָּרַ֫תִּי (§ 42 e).
  2. 2) quand il y a assimilation, p. ex. יִתֵּן pour i̯intẹn.
  3. 3) quand le redoublement est demandé par la nature même de
  1. Le raisonnement suppose qu’il y a un rapport étroit entre la voyelle et la syllabe (cf. § 28 a).
  2. Pour le cas d’une consonne finale, cf. § l.
  3. De l’araméen biblique, où le redoublement virtuel existe comme en hébreu, il ressort que ce redoublement n’était pas nul, mais était un semi-redoublement, une prolongation moyenne. En effet, ce redoublement virtuel, comme le redoublement fort, peut être résolu en n + consonne. De même que יִדַּע*, מַדַּע*, se résolvent en יִנְדַּע, מַנְדַּע, une forme comme לְהֶֽעָלָה pour faire entrer (inf. hafel de עלל) peut se résoudre en לְהַנְעָלָה (Dn 4, 3).
  4. Ces termes anciens (dagesh necessarium, dagesh euphonicum), conservés ici, sont assez imparfaits : nécessaire ne s’oppose nullement ici à facultatif, et parmi les dagesh nécessaires tous (sauf le 3e, qui est organique) sont demandés par l’euphonie. — Dans certains manuscrits on trouve encore d’autres espèces de dagesh, d’invention postérieure, qu’on peut appeler emphatiques (cf. Luzzatto, Prolegomeni ad una grammatica della lingua ebraica (1836), p. 197 sq.).