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Nom d’espèce

מַ֫יִם eau peut s’expliquer comme pluriel de composition[1] ou comme pluriel d’extension.

c Pluriel d’extension : שָׁמַ֫יִם ciel, cieux ; מְרַֽאֲשׁוֹת chevet (parties où se trouve la tête) ; מַרְגְּלוֹת l’endroit des pieds ; אֲחוֹרִים parties postérieures Ex 26, 12 etc. ; פָּנִים face ; צַוָּארִים cou.

d Pluriel d’excellence ou de majesté[2] : אֱלֹהִים Dieu (et pluriel ordinaire : dieux) ; il se construit généralement au singulier (§§ 148 a, 150 f) ; comp. קְדֹשִׁים le Saint (Pr 9, 10 ; 30, 3) et aram. עֶלְיוֹנִין le Très-Haut (Dn 7, 18, 22, 25).

אֲדֹנִים seigneur et Seigneur (et pluriel ordinaire : seigneurs). Le pluriel de majesté existe à toutes les formes, mais à la 1re p. sg. אֲדֹנָי il offre trois particularités : 1) il est sacré (réservé à Dieu) ; 2) il a un qameṣ (emphatique) ; 3) la valeur du suffixe est pratiquement effacée[3] : le Seigneur. Le pluriel de majesté a évincé en grande partie le singulier, dont on trouve seulement la forme sans suffixe אָדוֹן (sacré et profane), et la forme אֲדֹנִי mon seigneur. On a donc : אָדוֹן (sacré et profane ; en parlant de Dieu, touj. אֲדוֹן כָּל־הָאָ֫רֶץf.) ; אֲדֹנִים (sacré et prof.) ; à la 1re p. sg. אֲדֹנִי (prof., p. ex. א׳ הַמֶּ֫לֶךְ), אֲדֹנָי (sacré, p. ex. אֲדֹנָי יֱהֹוִה)[4] ; aux autres personnes, p. ex. אֲדֹנֵ֫ינוּ notre seigneur, notre Seigneur (et nos seigneurs)[5].

De בַּ֫עַל au sens de maître, seigneur (non au sens de mari) on trouve le pluriel de majesté, mais seulement avec suffixes (en fait seulement בְּעָלָיו et בְּעָלֶ֫יהָ son maître). תְּרָפִים Teraphim (idoles domestiques, pénates), traité comme un sing. dans 1 S 19, 13, 16, est probt un pluriel d’excellence.

  1. Dans diverses langues les noms de l’eau tendent à passer au pluriel : le renouvellement de l’eau courante fait naître l’impression de parties distinctes ; cf. Meyer-Lübke, Gramm. des langues romanes, 3, § 26.
  2. Euting, Reise in Arabien (p. VII ; cf. p. 127) signale un curieux exemple de pluriel de majesté dans un dialecte arabe moderne : le sheikh (šayḫ) de Ḥayel est appelé aš šuyūḫ الشُيُوخ (pluriel brisé = les sheikh). Cet exemple montre qu’il n’est pas nécessaire de faire dériver le pluriel de majesté du pluriel d’abstraction. — Le nous de majesté n’existe pas en hébreu, § 114 e N.
  3. Comp. monseigneur (de mon seigneur), madame ; un monsieur.
  4. Une fois אֲדֹנַי mes seigneurs Gn 19, 2.
  5. 1 S 16, 16 אדננוּ notre seigneur, sans yod, est probt fautif.