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Forme wayyiqtol (futur inverti)

d Le sens de succession ressort notamment du fait qu’on évite wayyiqtol et qu’on le remplace par we… qatal quand on ne veut pas exprimer la succession.

1) Ainsi quand la 2e action est antérieure à la 1re : 1 R 22, 23 « Jéhovah a mis נָתַן un esprit de mensonge dans la bouche de tous tes prophètes et (= car) Jéhovah a décrété ta perte » (la répétition de יהוה est due à la nécessité grammaticale de séparer ו de דִבֶּר, cf. § 166 a).

Le cas est particulièrement fréquent dans les narrations, et alors we… qatal répond à notre plus-que-parfait (cf. § 112 c) : Gn 31, 33b-34 « Et il sortit וַיֵּצֵא de la tente de Léa, et il entra וַיָּבֹא dans la tente de Rachel. 34 Or Rachel avait pris וְרָחֵל לָקְחָה les Terafim et les avait mis וַתְּשִׂמֵם dans le bât du chameau… » (cette dernière action étant postérieure à la précédente, on revient au wayyiqtol)[1] ; 1 S 28, 3 « Or Samuel était mort וּשְׁמוּאֵל מֵת et tout Israël l’avait pleuré וַיִּסְפְּדוּ־לוֹ et l’avait enseveli וַיִּקְבְּרֻ֫הוּ à Rama sa ville. D’autre part Saül avait fait disparaître וְשָׁאוּל הֵסִיר du pays les nécromanciens et les devins » ; 2 S 18, 18 ; 1 R 22, 31 ; 2 R 4, 31 ; 25, 5. Pour exprimer notre plus-que-parfait l’hébreu n’a pas d’autre moyen que d’éviter ainsi le wayyiqtol[2] ; cf. § 166 j.

e 2) On évite aussi wayyiqtol si l’action, bien que réellement postérieure, n’est pas représentée comme telle : 1 R 2, 8 : « Il m’a injurié atrocement le jour de mon départ pour Mahanaïm ; mais il est descendu וְהוּא יָרַד à ma rencontre au Jourdain… » (David ne représente pas la 2e action comme postérieure, mais comme opposée à la première). Opposition de deux sujets : Ex 9, 23 ; 10, 13 ; 2 S 10, 14 ; 1 R 19, 4 ; 2 R 5, 25 ; 9, 11.

f 3) On évite aussi wayyiqtol si la seconde action est simultanée ou représentée comme telle : Gn 1, 5 « Et Dieu appela וַיִּקְרָא la lumière « jour », et les ténèbres il (les) appela « nuit » וְלַח֫שֶׁךְ קָרָא ». Le phé-

  1. Après un qatal à sens de plus-que-parfait on a normalement wayyiqtol, qui exprime seulement la postériorité de l’action par rapport au qatal, p. ex. Gn 26, 18 « les puits qu’ils avaient creusés חָֽפְרוּ au temps d’Abraham et que les Philistins avaient comblés וַיְסַתְּמוּם ».
  2. Il serait donc grammaticalement très anormal qu’un wayyiqtol eût la valeur de notre plus-que-parfait. Cf. König, § 142 ; Driver, § 76 Obs., où sont discutés les principaux exemples qui peuvent faire difficulté, p. ex. Gn 2, 19.