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de près, offre au génie un champ illimité, où il peut se déployer de façon à vaincre la mort et l’oubli. Juan de Timoneda l’a prouvé par son exemple, lui qui s’est immortalisé rien que pour avoir imprimé les comédies du grand Lope de Rueda. Je me donnerais cent fois au diable pour en faire jouer une qui est toute prête, sous ce titre : Le grand bâtard de Salerne. Prends garde, Apollon, tu recevras un coup à t’éreinter d’une maîtresse main, dont la pareille ne s’est jamais vue. »

Là-dessus, l’explosion d’une bombarde donne des ailes à la tourbe vaincue, lâche et paresseuse. Ayant perdu toute espérance de vaincre, chacun se hâte, d’un pas léger, plus jaloux de conserver la vie que l’honneur. Du haut des sommets du Parnasse, il y en eut un qui s’élança d’un bond sur le Guadarrama, cas nouveau, inouï, et pourtant vrai. En moins de rien, la renommée babillarde propagea la grande nouvelle de la victoire, depuis le Caïstre jusqu’à Jarama. Le trouble Esgüeva pleura cette grande victoire, tandis qu’elle combla de joie le Pisuerga et le Tage, qui roule des grains d’or au lieu de sable.

La fatigue, la poussière et le travail avaient donné à la blonde chevelure du dieu de Thymbrée la couleur de l’or faux. Mais, content de voir ses désirs comblés, il se livra longuement à ses transports, et dansa la gaillarde au son de la guitare de Mercure ; puis, dans le courant de la fraîche Castalie, il se lava la tête et resta aussi reluisant que