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d’Aganippe et d’Hippocrène. Voudrais-tu permettre par hasard que dans la suave liqueur se désaltérât un poëte qui sue et a le hoquet en faisant ses vers ? Non, tu ne le voudras pas ; trop riche et féconde est ta veine pour que tu souffres rien d’imparfait.

Seigneur, dis-je à Mercure, effacez celui qui vient après ; ce n’est qu’un sot joueur, qui ne sait ouvrir le jeu que par des satires.

Pour celui-ci, tu peux le priser haut ; c’est Alonso de Salas Barbadillo, qui a mes sympathies et toute mon estime.

Celui qui vient ensuite, s’il faut le dire, garde-toi de l’embarquer ; tu peux le rayer de ta liste. Le dieu dit : « J’en suis bien aise. C’est un jeune présomptueux qui prétend imiter Ganymède, avec ses oripeaux gothiques. Si tu m’en crois, tu t’en iras sans lui. »

Tu n’agiras pas de même avec celui-ci, le grand Luis Cabrera, qui, tout petit qu’il est, atteint toutes choses, car il sait tout. C’est un maître connu en histoire, et si profond dans ses discours sensés, que tu croiras voir Tacite, si je te le montre.

Celui qui s’avance est un galant homme, éprouvé par les vicissitudes du sort changeant et par la dure étreinte du temps variable. Riche autrefois de biens périssables, et plus riche encore à présent de ceux qui ne passent point, il sera ferme à ton service. Le rocher qui se dresse au-dessus de la mer brave les assauts des flots mobiles sans en être ébranlé. En vain Borée, déchaînant sa fu-