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nasse, et le blond Apollon le reçut d’une façon aimable, et d’un front serein. Quand le poëte, seul et sans un liard, fut de retour dans sa patrie, il raconta des choses que la renommée transmit à tire-d’aile, d’un pôle à l’autre.

Et moi aussi, qui sans répit travaille et veille, pour avoir (du moins en apparence) le don de poésie, que le ciel m’a refusé ; j’aurais voulu dépêcher mon âme à grande vitesse, et lui faisant traverser l’espace, la placer sur les cimes de l’Œta renommé. Découvrant de cette hauteur le courant de la charmante Aganippe, d’un petit bond j’aurais pu y mouiller mes lèvres ; et une fois rempli de la riche et suave liqueur, je serais devenu un poëte illustre, ou tout au moins magnifique. Mais, mille obstacles surgirent aussitôt, et mon projet en germe avorta, et mon désir resta non satisfait. Sur cette lourde pierre que la fortune a mise sur mes épaules, je lis mes espérances déçues. Le nombre de lieues d’un si long voyage me parut devoir détourner du but ma bonne volonté ; mais tout aussitôt, les fumées de la gloire vinrent à mon secours, et me rendirent le chemin court et facile.

Je dis à part moi : « Si je parvenais à me hisser sur l’abrupte cime de cette montagne, et à ceindre mon front d’une couronne de laurier, je ne porterais point envie au bien dire d’Aponte, ni à la verve de Galarza, un agneau en actes, et un Rodomont en paroles. Et comme l’erreur (illusion) est au début de