VOYAGE EN ESPAGNE,
VALENCE. — COMBAT DE TAUREAUX.
Quand nous pénétrâmes dans l’intérieur de la plaza de toros de Valence, nous fûmes éblouis par un de ces spectacles qu’on n’oublie jamais, ne les ait-on vus qu’une fois. Qu’on se figure douze ou quinze mille hommes aux brillants costumes, éclairés par un soleil splendide, et grouillant comme une immense fourmilière ! En face de nous, les asientos de sol, les places au soleil, étaient déjà presque au complet ; à chaque instant de nouveaux arrivants venaient combler les derniers vides. Enfin il n’y eut plus une seule lacune dans cette mosaïque humaine, dont les couleurs variées se détachaient sur le bleu cru du ciel valencien. Au-dessus de cette foule s’élevait un bourdonnement sourd, interrompu de temps en temps par les cris des marchands d’eau et de chufas, et par ceux des naranjeros, dont les oranges, habilement lancées, arrivaient jusqu’aux gradins les plus élevés ; les marchands d’éventails à deux cuartos (un peu plus d’un sou) faisaient d’excellentes affaires aux asientos de sol, où les labradores de la huerta cuisaient comme des lézards au soleil. On voyait circuler dans leurs rangs d’énormes botas, outres de cuir pleines d’un vin noir, qui se dégonflaient à mesure qu’elles passaient de main en main. Il y eut bien çà et là quelques disputes, mais tout se borna à quelques mots échangés, comme il arrive souvent aux courses, ce qui a donné naissance à la locution proverbiale : bromas de toros, querelles de taureaux, employées pour désigner celles qui n’ont pas de résultat.
Bientôt une grande rumeur annonça qu’il allait se passer quelque chose : c’est le despejo, nous dit notre ami don José, l’aficionado valencien, qui nous faisait les honneurs de la corrida. Cette opération consiste à faire