DE PARIS À BUCHAREST,
CAUSERIES GÉOGRAPHIQUES[1],
XV
À MUNICH.
Il y a des villes nécessaires, comme Londres, Paris et Rome, comme Lisbonne, Amsterdam et New-York. C’est la géographie et l’histoire qui les ont faites. On n’aurait pu les mettre ailleurs et elles firent toute leur force d’elles-mêmes. Mais d’autres sont des créations artificielles. Nées d’un caprice ou d’un concours fortuit de circonstances, elles n’ont d’autre raison d’être que de se trouver là où elles sont. Ainsi rien n’appelait une grande ville à la place où Munich s’est élevé, au milieu d’une maigre plaine qui ne suffit pas à le nourrir, au bord d’une rivière torrentueuse où l’on ne peut faire flotter un bateau. Mais il en est de l’organisme social comme de l’organisme humain, le sang afflue au point où on le provoque à venir. Ces villes forcées, ainsi que disent les agriculteurs d’une plante qui vient hors de sa saison, finissent par croître et s’étendre. Seulement à la maigreur des rameaux, à la pauvreté du feuillage, on voit bien que ces arbres étiolés ne tirent pas du sol qui les porte la séve vigoureuse qui fait les grands chênes.
Munich est une ville doublement artificielle. Ses ducs en ont fait, malgré sa situation, une capitale, et son roi