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3418. — 62me ANNÉE — No 31.
Dimanche 2 Août 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE


MUSIQUE DE PIANO

Nos abonnés à la musique de piano recevront, avec le numéro de ce jour :

BRAS DESSUS, BRAS DESSOUS

de Paul Wachs. — Suivra immédiatement : Un Rêve, de Ch. Neustedt.


MUSIQUE DE CHANT

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de chant : Si vous étiez fleur, mélodie de Depret, poésie de Jacques Normand. — Suivra immédiatement : Sérénade florentine, mélodie d’Ernest Moret, poésie de J. Lahor.

LA PREMIÈRE SALLE FAVART

et

L’OPÉRA-COMIQUE

1801-1838

QUATRIÈME PARTIE

ii
(Suite)

La Revue et Gazette faisait preuve en la circonstance d’un optimisme peut-être un peu bien robuste. Elle comptait en tout cas sans les habituelles lenteurs administratives, avec lesquelles il faut toujours compter en France. Ce qui est certain, c’est que cinq mois s’écoulèrent encore avant que les Chambres fussent à nouveau saisies de la question. Il y en avait alors juste dix-huit que la salle Favart n’existait plus. Enfin, dans sa séance du 20 juillet, la Chambre des députés était appelée à se prononcer sur le nouveau projet de loi qui lui était présenté à ce sujet par M. Duchâtel, ministre de l’intérieur, et dont le rapporteur était M. Vitet, qui concluait à l’adoption. Mais il ne s’agissait nullement dans ce projet de MM. Cerfberr et Crosnier ou d’une proposition quelconque faite par eux, et celui-ci avait simplement trait à la mise en adjudication de la reconstruction de la salle Favart. Je ne crois pas superflu d’en reproduire le texte très bref. Le voici :

Article premier. — Le ministre de l’intérieur est autorisé à mettre en adjudication, avec publicité et concurrence, la reconstruction de la salle Favart, pour y établir l’Opéra-Comique, sous les conditions et les clauses du cahier des charges annexé à la présente loi. Le rabais portera sur la durée de la jouissance à concéder à l’adjudicataire.

Art. 2. — À l’expiration du terme fixé par l’adjudication, la salle reconstruite et ses dépendances feront retour à l’État.

Art. 3. — L’adjudicataire pourra employer les matériaux provenant de l’ancienne salle. Il recevra, en outre, une somme de 300.000 francs, égale à l’indemnité versée au Trésor par la compagnie d’assurances du Phénix pour le sinistre de l’ancienne salle, et qui demeure définitivement acquise à l’État. Cette somme sera payée à l’adjudicataire après la réception des travaux.

Art. 4. — Pour subvenir à la dépense énoncée en l’article précédent, il est ouvert au ministre de l’intérieur, sur l’exercice 1840, un crédit extraordinaire de 300.000 francs.

Art. 5. — L’autorisation donnée par la présente loi cessera de plein droit si, dans les trois mois à partir de sa promulgation, l’adjudication définitive n’a pas eu lieu.

Le texte est clair. Il s’agissait de la reconstruction de la salle Favart, étant bien entendu que c’était « pour y établir l’Opéra-Comique ». Ceci en dépit des protestations de la compagnie Boursault, propriétaire de la salle Ventadour, qui prétendait toujours que le privilège de ce théâtre était attaché à cette salle et par conséquent lui appartenait. Cette compagnie s’était même pourvue à ce sujet devant le conseil d’État, qui avait mis ses prétentions à néant. C’est ce qu’expliqua à la Chambre le rapporteur du projet de loi, M. Vitet ; c’est ce qu’établissait d’ailleurs l’exposé des motifs de ce projet, en faisant remarquer en outre qu’il s’agissait uniquement de l’adjudication des travaux de construction de la nouvelle salle, et en ajoutant : « L’intérêt de l’État ne sera pas compromis, car nous n’adjugerons pas, avec l’entreprise de la construction, le privilège de l’exploitation théâtrale. »

La discussion s’engagea donc à la Chambre, et l’on y vit prendre part, avec le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux (M. Teste), M. Vitet, rapporteur, et MM. de Vatry, de Laborde, Berryer, Mauguin, Berger, de Marmier, Vatout et Bignon. Les articles furent adoptés successivement, mais lorsqu’arriva le vote sur l’ensemble de la loi, on s’aperçut qu’il n’y avait que 203 votants et que l’assemblée n’était pas en nombre. Le scrutin fut donc annulé et reporté à l’ouverture de la séance du 22 juillet. Cette fois, le projet fut adopté par 153 voix contre 80.

Ce n’était pas tout, et il fallait maintenant l’assentiment de la Chambre des pairs. C’est dans sa séance du 1er août, présidée par le comte Portalis, que celle-ci fut saisie du projet. Ici nous trouvons surtout deux orateurs opposants, aussi dédaigneux du genre de l’opéra-comique que nos wagnériens actuels, et parfaitement indifférents de l’avenir de la musique française. Ces deux sceptiques en matière d’art étaient deux nobles gentilhommes, le comte de la Riboisière et le comte de Sparre, qui traitaient cette question avec un détachement complet, la jugeant sans doute indigne des délibérations d’une assemblée dont ils faisaient le plus bel orne-