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“Daniel, je suis venu en ce moment pour t’ouvrir l’intelligence. 23Dès le commencement de ta prière, une parole est sortie, et moi je suis venu pour te la faire connaître, car tu es un homme favorisé[1] de Dieu. 24Sois donc attentif à la parole et comprends la vision. Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte pour enfermer la prévarication, pour sceller les péchés et pour expier l’iniquité, et pour amener la justice éternelle, pour sceller vision et prophète et pour oindre le Saint des saints.[2] 25Sache donc et comprends : depuis la sortie d’une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu’à un oint, un chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines ; elle sera rebâtie, places et enceinte, dans la détresse des temps.[3] 26Et après soixante-deux semaines, un oint sera retranché, et personne pour lui. Et le peuple d’un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin sera dans l’inondation, et jusqu’à la fin il y aura guerre, ce qui est décrété touchant la dévastation.[4] 27Il conclura une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine ; et, au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’oblation, et sur l’aile des abominations viendra un dévastateur, et cela jusqu’à ce que la destruction et ce qui a été décrété se répandent sur le dévasté.[5]

  1. 23. Un homme favorisé, litt. un homme de désirs, c.-à-d. désiré, aimé de Dieu et l’objet de ses faveurs.
  2. 24. La tradition de l’Église chrétienne a entendu ce verset de l’œuvre accomplie dans le monde par la venue de Jésus-Christ. — Soixante-dix semaines (litt. septaines) d’années (comp. 25 et 27), soixante-dix périodes de sept ans, comme celles de Lév. xxv, 8. — Déterminées, fixées par un décret divin. — Pour enfermer la prévarication, pour la rendre désormais impuissante au sein du peuple de Dieu, ou simplement y mettre fin par une souveraine expiation ; Théodotion et Vulg., pour consommer. — Sceller les péchés, les tenir comme sous le sceau, de manière qu’ils ne puissent plus se montrer. Vulg., pour que le péché prenne fin, soit expié et pardonné. — La justice éternelle, la sainteté propre au royaume du Messie. — Pour sceller vision et prophète. D’autres, avec la Vulg., pour que soient accomplies la vision et la prophétie. — Le, ou un Saint des saints, c.-à-d. une chose ou une personne très sainte (I Par. xxiii, 13 ; Luc. i, 35), le Christ lui-même.
  3. 25. D’une parole, d’un décret ou édit royal. Cet édit paraît être celui qu’Artaxercès I Longuemain rendit la vingtième année de son règne (II Esdr. ii, 1-8), vers l’an 445 av. J.-C. Depuis cette date jusqu’à la quinzième année de Tibère, qui est l’année du baptême de Notre-Seigneur, il s’est écoulé environ quatre cent quatre-vingt-six ans, et nous arrivons ainsi à la soixante dixième semaine, au milieu de laquelle Jésus fut crucifié. — Un oint, un chef, ou bien un oint-chef, un personnage qui sera spécialement un prêtre, mais en même temps un chef, un roi, le Christ, le roi Messie (Jean, iv, 25) ; c’est lui que désigne ici toute la tradition chrétienne. — Sept semaines et soixante-deux semaines. Le premier cycle, celui de sept fois sept ans, se rapporte à la reconstruction complète de la ville ; le deuxième, celui de soixante-deux semaines d’années, représente le temps qui s’écoulera depuis cette reconstruction jusqu’à l’avènement du Messie ; la semaine d’années qui reste pour compléter le nombre 70, c’est l’ère messianique elle-même. — Nous avons adopté la division du texte telle qu’elle figure dans Théodotion et la Vulgate. Dans le texte massorétique, les mots soixante-deux semaines sont joints, non à ce qui précède, mais à ce qui suit : puis, pendant soixante deux semaines elle sera rebâtie etc.
  4. 26. Un oint, le même que celui du vers. 25, sera retranché, mis à mort. — Et personne, où rien, pour lui, termes forts obscurs et qui ont donné lieu à des interprétations très diverses. — Le peuple d’un chef, l’armée romaine commandée par Titus. — Sa fin, la fin de la ville et du sanctuaire. Selon d’autres, sa fin, la fin de l’ennemi ; l’empire romain sera emporté par une inondation, savoir l’invasion des peuples barbares. — Jusqu’à la fin : la guerre ne cessera pas que la Terre Sainte n’ait été complètement dévastée.
  5. 27. Ce verset revient en arrière pour indiquer ce qui arrivera pendant la soixante-dixième semaine. — Il conclura : il, le Messie. — Une alliance ferme, la nouvelle alliance, il fondera le royaume messianique. — Avec un grand nombre, (Is. lii, 14 ; liii, 11 sv. Comp. Matth. xx, 28 ; xxvi, 28), tous les hommes en général, auxquels le Messie était promis. — Le sacrifice et l’oblation : les sacrifices sanglants et non sanglants de l’ancienne alliance perdront toute valeur et toute efficacité, après que la mort du Messie aura procuré aux hommes le vrai pardon du péché et amené l’éternelle justice. — Sur l’aile des abominations etc. : les ennemis viendront peu d’années après, comme portés sur les ailes de leurs abominations, c.-à-d. avec les images des faux dieux figurées sur leurs étendards. D’autres : sur le pinacle (Matt, iv, 5), ou bien sur le toit (les deux pans du toit) des abominations, c.-à-d. du temple tout rempli d’idoles (I Rois, xi, 5). — Sur le dévasté, sur le temple qui sera entièrement détruit. D’autres : jusqu’à ce que le dévastateur, devenu lui-même un dévasté, soit détruit à son tour.
    Il serait trop long d’exposer ici, avec ses variations, le système d’exégèse qui applique les vers. 24-27 au temps d’Antiochus Epiphane.