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m’as donné Otso en partage, tu m’as livré en proie l’or des forêts ! »

Et le héros fixa un long regard sur son précieux butin ; et il prit de nouveau la parole, et il dit : « Ô mon unique, mon bel Otso, mon gracieux pied de miel, ne prends point l’air courroucé, car ce n’est pas moi qui t’ai jeté par terre ; tu t’es heurté contre une branche, tu as trébuché contre le tronc d’un arbre résineux, tu as fait un trou dans ton repaire de bois, tu as mis en pièces ton vêtement de sapin : l’automne est si glissant, les jours d’automne sont si brumeux et si sombres !

« Ô coucou d’or de la forêt[1], ô toi, à la belle et riche toison, laisse ta froide demeure, abandonne ta maison déserte, ta maison de branches de bouleaux ; viens, ô célèbre, ô orgueil des bois, ô pied léger, viens au plus vite, loin de ces régions étroites, de ces sentiers trop resserrés, au milieu de la troupe des guerriers, de la nombreuse assemblée des hommes ! Là, on n’est point mal reçu, on ne vit point misérablement, on donne à l’hôte qui arrive du miel à manger, de l’hydromel frais à boire.

« Viens donc, quitte ce nid incommode, viens sous la poutre célèbre[2], sous le beau toit ; marche sur les frimas de la plaine, comme la feuille de nénuphar sur les flots, bondis sur les arbres coupés de la forêt, comme l’écureuil sur les branches ! »

Alors, le vieux Wäinämöinen, le runoia éternel, s’avança à travers les bois, accompagné de son hôte illustre, de l’animal à la riche fourrure ; il faisait retentir les airs des sons joyeux de sa corne ; et ces sons pénétrèrent jusque dans les habitations du village.

Le peuple éleva la voix, la belle foule dit : « Écoutez les sons qui éclatent au dehors, semblables à ceux de la

  1. « Metsän kultainen kükönen. » Wäinämöinen donne à l’ours le nom de l’oiseau qui, chez les Fimnois, est le plus aimé. Voir page 17, note 2.
  2. Voir page 3, note 7.