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deuxième runo

nuages, rassemble les nuages, trace-leur une route à travers les rayons du soleil ; fais lever un nuage à l’orient, un autre nuage à l’occident, un troisième au midi ; verse l’eau des hauteurs du ciel, le miel des sources éthérées, sur les germes qui poussent, sur les semences qui croissent et se développent[1]. »

Ukko, le dieu suprême entre tous les dieux, Ukko, le père antique qui règne dans le ciel, rassembla les nuages et leur traça une route à travers les rayons du soleil. Il fit lever un nuage à l’orient, un autre nuage à l’occident, un troisième au midi, et il les joignit ensemble, et il y perça une large ouverture. Soudain, l’eau tomba des hauteurs du ciel, le miel, des sources éthérées, sur les germes qui poussaient, sur les semences qui se développaient. Et les plantes s’élevèrent nombreuses et serrées, parmi les sillons ; et les épis couvrirent le champ que Wäinämöinen avait préparé.

Un jour, deux jours, trois nuits, une semaine au moins s’écoulèrent. Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen alla visiter le champ qu’il avait ensemencé, le champ qui lui avait coûté tant de fatigue. Il y trouva tout à son gré : l’orge avait grandi, l’épi avait trois lignes, la tige trois articulations.

Alors, le vieux Wäinämöinen jeta les regards autour de lui.

Le coucou[2] d’été s’approcha, et, voyant le bouleau déployer sa riche couronne, il dit :

« Pourquoi a-t-on épargné le bouleau, pourquoi n’a-t-on point arraché le bel arbre ? »

Le vieux Wäinämöinen dit : « On a épargné le bou-

  1. Les vieux Finnois prononcent encore aujourd’hui cette invocation en ensemençant leurs champs.
  2. Le coucou est un oiseau vénéré chez presque toutes les nations du Nord. On conçoit que ses mœurs solitaires, son chant mélancolique et tendre aient dû charmer les Finnois tout particulièrement. Le coucou revient souvent dans les runot, et toujours accompagné des qualifications les plus gracieuses. C’est l’oracle du bonheur ; il ne prédit que des choses heureuses.