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quarante-sixième runo

« Ô Mielikki[1], mère des forêts, Tellervo[2], femme de Tapio, mets tes chiens à la chaîne, range-les avec soin sur le chemin planté de cornouillers, dans le petit enclos ombragé de chênes !

« Ô bel Otso[3], pomme des bois, ô rond pied de miel[4], lorsque tu m’entendras venir, lorsque lu entendras l’homme superbe approcher, cache tes griffes dans ta toison, tes dents dans tes gencives, afin qu’elles ne blessent jamais, que, même dans leur emportement impétueux, elles ne causent aucun dommage !

« Ô bel Otso, mon seul bien-aimé, mon gracieux pied de miel, reste couché sur le gazon, au sommet de la riante montagne, en sorte que les pins et les sapins murmurent au-dessus de ta tête ; puis, agite-toi, retourne-toi sur ta verte couche, comme s’agite la gelinotte, comme se retourne l’oie, dans leur nid ! »

Le vieux Wäinämöinen entendit le chien aboyer, le petit chien japper dans l’habitation des petits yeux, dans l’enclos des nez écrasés[5] ; et il prit la parole, et il dit : « Je croyais que le coucou chantait, que l’oiseau d’amour modulait des airs ; mais ce n’est point le coucou qui chante, ce n’est point l’oiseau d’amour qui module des airs, c’est mon plus beau chien, c’est mon meilleur limier qui est devant la porte d’Otso, devant la demeure du bel animal[6]. »

Et le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen se trouva en présence d’Otso, il secoua son lit de soie, il renversa son lit d’or ; puis il éleva la voix, et il dit : « Maintenant, sois loué, ô Jumala, sois glorifié, ô Créateur, car tu

  1. Voir page 114, note 3.
  2. Les runot la présentent indifféremment comme la fille ou la femme de Tapio.
  3. Ohto, otso, otsa, surnoms de l’ours. Voir page 331, note 2.
  4. Voir page 331, note 2.
  5. Ces expressions sont appliquées à l’ours à cause de la conformation de ses yeux et de son museau.
  6. Le texte dit : la demeure du bel homme, miehen kaunon kartanolla. Les runot se servent souvent du mot homme, mies, pour désigner toute espèce de créatures.