Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
424
le kalevala

Et les vents les portèrent jusqu’à terre, les vagues les traînèrent jusqu’au rivage.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen se réjouit à cette vue, et il dit : « Ces débris du Sampo deviendront le principe d’une prospérité éternelle ; ils seront, dans les champs labourés, la semence féconde d’où germeront des plantes de toute espèce ; par eux, la lune brillera, le soleil bienfaisant rayonnera sur les belles, sur les vastes régions de Suomi[1]. »

Louhi, la mère de famille de Pohjola, prit la parole, et elle dit : « Je me rappelle un admirable moyen, un merveilleux artifice contre tous tes labourages, contre tes semences, contre ton bétail, contre tes plantes, contre ta lune splendide, contre ton soleil resplendissant. J’enfermerai la lune dans une pierre, j’enfouirai le soleil dans un rocher ; j’évoquerai un froid rigoureux, un air glacé qui ravageront tous tes sillons, qui détruiront toutes tes semences, tous tes germes, toutes tes moissons ; j’appellerai du ciel une pluie de fer, une grêle d’acier, qui saccageront tes forêts défrichées, tes meilleurs champs.

« J’évoquerai l’ours du fond des bruyères, le monstre aux dents rares[2] des bois de sapin, afin qu’il déchire tes chevaux, qu’il dévore tes cavales, qu’il égorge tes bœufs, qu’il disperse tes vaches à travers les prairies ; je commanderai à la maladie de tuer ton peuple, d’exterminer toute ta race, en sorte que, dans ce monde, ce vaste monde, on ne l’entende jamais plus nommer. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Le Lapon est impuissant à m’ensorceler, Turjalainen[3] à me nuire ; car c’est Dieu qui est le maître du temps, c’est la main du créateur qui ouvre les portes du destin, et non le bras de l’homme envieux, les doigts de l’homme ennemi[4].

  1. Voir page 155, note 2.
  2. Harvahampahan.
  3. Voir page 100, note 2.
  4. « Ei minua laula Lappi.
    « Eika tunge Turjalainen ;