Page:Léouzon le Duc - Le Kalevala, 1867.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.
100
le kalevala

qu’elle se mêle aux gais amusements des belles chevelures ! »

La vieille femme dit : « Ne pars point, cependant, mon fils, pour les régions de Pohjola, pour les lieux où vivent les fils des Lapons, avant d’avoir acquis la science[1], avant d’avoir enrichi ton esprit de connaissances ! Le Lapon peut t’ensorceler, Turjalainen[2] peut te précipiter, la bouche dans le charbon de forge, la tête dans l’argile, les coudes dans les tisons ardents, les poings dans la cendre brûlante, au milieu des pierres enflammées. »

Lemmikäinen dit : « Déjà les méchants sorciers, déjà les serpents venimeux ont cherché à me berner. Pendant une nuit d’été, trois Lapons, debout sur une pierre fixée au sol, trois Lapons nus[3], sans chemise, sans baudrier, sans ceinture magique, ont voulu m’attaquer ; mais les malheureux n’ont eu sur moi d’autre succès que celui de la hache sur la pierre, de la tarière sur le roc, du rouleau sur la glace, de Tuoni[4] dans une maison vide d’habitants.

« Alors, ils ourdirent contre moi d’autres desseins. Ils me menacèrent de me renverser par terre, de me fatiguer jusqu’à l’épuisement ; ensuite de me jeter comme un tronc d’arbre sur la mousse humide, comme une passerelle sur un bourbier ; de m’enfoncer jusqu’au menton dans le marais, jusqu’à la barbe dans l’ordure. Mais, brave que je suis, je m’embarrassai peu de ces menaces, et je me mis à entonner un chant magique, à déployer la puissance de la parole. Et je bernai les sorciers avec leurs

  1. Il s’agit ici de science et de connaissances magiques.
  2. Fils ou habitant de Turja ; voir page 74, note 1.
  3. Tel était l’usage des anciens sorciers de Laponie. Ils se posaient debout sur une pierre ; car de là ils s’imaginaient donner plus de force à leurs opérations (voir page page 29, note 1) : ils se mettaient, en outre, tout à fait nus, afin de se soustraire aux influences magiques qui pouvaient avoir été attachées à leurs vêtements. Ils avaient pareillement toujours quelque arme à la main : un couteau, une flèche, un arc, etc.
  4. Dieu de la mort, appelé aussi Tuonen.