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troisième runo

kahainen pour soutien de ses vieux jours fléchit sa colère.

Il s’assit sur la pierre de la joie, sur la pierre du chant[1]. Et il chanta un instant, puis un autre instant, puis un troisième, rappelant à lui ses paroles sacrées, ses ensorcellements magiques.

Ainsi, le jeune Joukahainen sortit de l’abîme où il était plongé, il sortit avec son menton de la vase humide ; avec sa barbe du lieu horrible ; et son cheval cessa d’être une pierre des cataractes, son traîneau un arbrisseau desséché dans un marais, son fouet un roseau des bords de la mer.

Et il monta dans son traîneau de fête, dans son cher traîneau ; et il se dirigea, l’âme triste, le cœur accablé, vers la demeure de sa douce mère, de sa tendre nourrice.

Il marche avec un fracas retentissant, avec une vélocité effrayante. Mais, voici que son traîneau heurte contre le perron de la maison paternelle, il se brise contre la maison de bains.

Le père, la mère accourent au bruit, et ils lui disent : « Tu as brisé à dessein ton traîneau, tu as mis volontairement son timon en pièces. Pourquoi conduis-tu d’une manière si étrange et si folle ? »

Le jeune Joukahainen se mit à fondre en larmes. Il avait la tête basse, le cœur gros, le bonnet de côté, les lèvres épaisses et roides, le nez incliné sur la bouche.

Sa mère lui dit : « Pourquoi pleures-tu, ô mon enfant ? Pourquoi te lamentes-tu, ô fruit de ma jeunesse ? Pourquoi as-tu les lèvres épaisses, le nez incliné sur la bouche ? »

Le jeune Joukahainen dit : « Ô ma mère, ô toi qui m’as porté dans ton sein, je n’ai que trop de raisons de

  1. Les enchanteurs finnois, de même que les sorciers lapons, montaient d’ordinaire sur une pierre élevée, afin de donner plus de force à leurs incantations.