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dix-huitième runo

mala, viens dans mon bateau, ô toi riche de grâces ! Apporte la force au faible héros, la vigueur à l’homme débile, au milieu de ces vastes ondes, de ces immenses plaines.

« Souffle, ô vent, derrière mon bateau, pousse-le devant toi, ô flot rapide, sans que j’aie besoin de remuer les doigts, de troubler la surface moutonneuse de l’eau, dans ces vastes golfes, dans ces immenses plaines ! »

Annikki, au nom célèbre, Annikki, la fille de la nuit, la vierge du crépuscule[1], qui se levait toujours avant l’aurore, battait son linge, lavait ses vêtements, à l’extrémité du promontoire nébuleux, de l’île riche d’ombrages.

Elle se retourna et regarda autour d’elle dans tous les sens ; elle leva les yeux vers le ciel, elle les abaissa sur le rivage ; au-dessus de sa tête brillait Le soleil, devant elle étincelaient les vagues.

Elle tourna ses regards du côté du midi, vers l’embouchure du fleuve de Suomi[2], vers les ondes de Wäinölä[3], et elle aperçut une lueur, un bleu sillon sur la surface de la mer.

Et elle prit la parole, et elle dit : « Qui es-tu, ô lueur, qui es-tu, ô sillon que j’aperçois au loin sur les flots ? Si tu es une troupe d’oies, ou une superbe troupe de canards, hâte-toi de prendre ton vol et de fuir vers les hauteurs du ciel !

« Si tu es une masse de saumons, une troupe de poissons, hâte-toi de nager et de disparaître sous les eaux !

« Si tu es un bloc de rocher ou une plante marine, que les vagues te submergent et te recouvrent ! »

Le bateau avançait toujours ; bientôt il fut tout près du promontoire nébuleux, de l’île riche d’ombrages.

Annikki, la vierge célèbre, reconnut que c’était un

  1. C’est-à-dire vigilante, qui se lève avant le jour.
  2. La Finlande.
  3. Voir page 19, note 1.