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quarante-troisième runo

cent hommes tombent des ailes, que les mille héros tombent de la pointe des plumes ! »

La vieille de Pohjola cria du haut du mât : « Malheur à toi, ô joyeux fils de Lempi, malheur à toi, pauvre Kaukomieli ! Tu as trompé ta mère, tu as dupé ta vieille mère, car tu lui avais promis de ne point aller à la guerre de dix étés, lors même que tu n’y serais poussé que par le désir de l’or ou la soif de l’argent[1]. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen, le runoia éternel, comprit que l’heure fatale était proche, que le moment de conjurer le danger était venu. Il souleva de l’eau le timon de son gouvernail, il saisit la barre de chêne et en frappa le monstrueux oiseau sur les pieds ; toutes ses griffes furent brisées ; une seule, une des plus petites, échappa au massacre.

Et les cent hommes tombèrent des ailes, et les mille héros tombèrent de la queue, au fond de la mer. L’aigle lui-même tomba du haut du mât dans le navire, ainsi que tombe le coq de bruyère du haut d’un arbre, l’écureuil des branches du sapin.

Alors, allongeant le doigt sans nom[2], l’aigle s’empara du Sampo ; il enleva le beau couvercle, et il les jeta dans la mer, au milieu des vagues bleues ; le Sampo se brisa, le beau couvercle se disloqua.

Et des morceaux du Sampo, les uns roulèrent dans l’abîme ; et ils se répandirent dans ses profondeurs, comme une source de richesses pour l’onde, comme un trésor caché pour les fils d’Ahto. C’est pourquoi, durant toute cette vie, et aussi longtemps que brillera la lune, l’onde ne manquera point de richesses, les fils d’Ahto de trésor caché.

Les autres parties du Sampo, les fragments les plus légers, flottèrent sur la surface de la mer, ballottés par les vents et par les vagues.

  1. Voir page 291.
  2. Voir page 8, note 2.