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le kalevala

riés soufflèrent avec ardeur. Le fer se dilata en bouillie, l’acier en pâte molle : l’argent devint brillant et limpide comme l’eau, l’or bouillonna comme la vague[1].

Alors, le forgeron Ilmarinen, le batteur de fer éternel, regarda au fond de sa forge, et il vit que le glaive était né, que sa poignée d’or était formée.

Il le tira du feu, il l’étendit sur l’enclume, il le soumit aux coups puissants du marteau ; et il façonna le glaive, suivant son désir, il en fit le meilleur des glaives, il l’incrusta d’or et d’argent.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen vint examiner l’œuvre du forgeron. Il prit le glaive à la pointe de feu, dans sa main droite, il le regarda dans tous les sens, et il dit : « Le glaive convient-il à l’homme, est-il bien fait pour celui qui doit le porter[2] ? »

Le glaive convenait à l’homme, il était fait pour celui qui devait le porter. La lune brillait sur la pointe, le soleil sur le plat de la lame, les étoiles sur la garde ; un cheval hennissait sur les bords du tranchant, un chat miaulait sur le bouton de la poignée, et sur le fourreau dormait un petit chien[3].

Wäinämöinen essaya son glaive sur une montagne de fer, et il dit : « Avec un tel glaive, je fendrais les pierres elles-mêmes, je ferais voler les rochers en éclats. »

Le forgeron Ilmarinen dit à son tour : « Comment, ô infortuné que je suis ! comment me protégerai-je, comment me défendrai-je contre la terre et contre l’eau ? Revêtirai-je ma cuirasse de fer, bouclerai-je ma ceinture d’acier ? L’homme est plus fort dans une cuirasse

  1. « Rauta vellinä venyvi,
    « Teräs taipui tahtahana,
    « Hopea vetenä välkkyi,
    « Kulta läckkyi lainehena. »

  2. « Ouko miekka miestä myöten,
    « Kalpa kantajan mukahan ? »

  3. La runo veut dire que les figures de ces divers animaux étaient gravées sur le glaive ou incrustées dans la lame. Voir page 50 et page 309, note 5.