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dans la maison de ta mère, sous la protection de ta douce mère, dans la demeure de ta nourrice, aucune guerre n’eût éclaté, aucun combat ne serait à craindre.

« Où vas-tu aller, maintenant, mon fils, mon pauvre fils, pour cacher ton crime, pour dérober ta méchante action ? Où chercheras-tu un refuge pour sauver ta tête, pour mettre en sûreté ton gracieux cou, pour éviter que tes cheveux, tes fins cheveux ne soient arrachés et dispersés dans la poussière ? »

Le joyeux Lemminkäinen répondit : « J’ignore le lieu où je pourrais me réfugier et cacher mon crime ; ô ma mère, toi qui m’as engendré, dis-moi où je dois fuir ? »

La mère de Lemminkäinen dit à son fils : « Je ne sais quel lieu t’indiquer, quel lieu te recommander. Si tu devenais un pin des collines, un genevrier des bruyères, le malheur n’en fondrait pas moins sur toi, le destin fatal ne t’en atteindrait pas moins. Souvent, le pin des collines est abattu et mis en pièces pour servir de pärtet[1]. Souvent, les genévriers des bruyères sont dépouillés de leur écorce, pour former des poteaux de barrière.

« Si tu croissais comme un bouleau des vallées, si tu te changeais en aulne des bocages, le malheur n’en fondrait pas moins sur toi, le destin fatal ne t’en atteindrait pas moins. Souvent, le bouleau des vallées est abattu pour garnir le bûcher, souvent, l’aulne des bocages est brûlé pour le défrichement[2].

« Si tu devenais une baie de la montagne, une myrtille des champs ou une fraise des bois, le malheur n’en fondrait pas moins sur toi, le destin fatal ne t’en atteindrait pas moins. Tu serais cueilli par les jeunes filles, enlevé par les belles parées d’une fibule d’étain[3].

« Si tu devenais un brochet de la mer, ou une truite des torrents limpides, le malheur n’en fondrait pas moins sur toi, ta fin n’en serait pas moins cruelle. Car un

  1. Voir page 90, note 1.
  2. Voir page 15, note 3.
  3. Voir page 33, note 1.