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vingt et unième runo

où s’échappe la fumée ne feront aucun tapage, si ceux qui se trouvent sous les lucarnes gardent le silence. »

Un enfant était couché sur le plancher, un petit garçon, à la barbe de lait, était près du foyer ; l’enfant, le petit garçon dit : « Je ne suis pas vieux d’âge, je ne suis pas grand de taille ; cependant, si les hommes gras, si les hommes gros et vigoureux s’obstinent à ne pas chanter, je chanterai, moi, petit enfant maigre, je chanterai avec mes joues pâles, je chanterai du fond de mon corps frêle, de mes flancs vides de graisse, pour réjouir ce soir, pour embellir cette fête. »

Un vieillard était couché au-dessus du poêle ; il prit la parole et il dit : « Les chants de l’enfant, les vagissements de l’enfant ne servent à rien, les chants de l’enfant sont des mensonges, les chants des jeunes files ne sont que de vaines paroles ; laissez le chant à l’homme sage, à celui qui est assis sur le banc ! »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Est-il parmi cette jeunesse, parmi cette grande race, est-il quelqu’un qui mettra la main dans la main, qui joindra le poignet au poignet[1], afin de commencer des chants, d’entonner des runot, pour la joie de ce jour qui finit, pour l’ornement de cette soirée solennelle ? »

Le vieillard répondit du haut du poêle : « On n’a jamais entendu jadis, on n’a jamais entendu, on n’a jamais vu, durant tous les jours de cette vie, un meilleur chanteur, un homme plus savant en paroles, que lorsque, au temps de ma jeunesse, je chantais sur les vagues du golfe, au milieu des champs, au milieu des sapins, dans les profondeurs des bois.

« Alors, ma voix était puissante et belle, elle était d’une douceur infinie ; ma voix coulait limpide comme l’onde du fleuve, elle se précipitait comme un torrent orageux, elle glissait comme le suksi[2] sur la neige, comme une

  1. Voir page 79, note 1.
  2. Voir page 2, note 3.