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le kalevala

Il regarda dans la ligne de la gueule du chien, il suivit la direction de son museau, par delà la cime de la hauteur flamboyante, le dus de la colline d’aulnes, et il vit une vraie vérité ; il vit pourquoi le chien gris aboyait, ce que l’ornement du champ avait dans sa pensée ; il comprit à qui s’adressait la queue de laine. Un rouge bateau approchait, voguant sur le golfe de Lempi[1] ; un traîneau superbe glissait sur la route de l’île de Sima.

Et le père de famille de Pohjola regagna précipitamment sa demeure ; il se retira sous la voûte de son toit, et il dit : « Voici que des étrangers nous arrivent sur le golfe bleu ; un traîneau superbe s’avance de l’extrémité de l’île de Sima ; on navigue avec une grande barque de ce côté du golfe de Lempi. »

La mère de famille de Pohjola dit : « D’où pourrions-nous tirer un présage sur les étrangers qui arrivent ? Ô toi, ma petite servante, mets au feu des troncs de sorbier, jette dans le brasier le bois illustre ! S’il distille du sang, la guerre menace ; s’il distille de l’eau, nous vivrons toujours en paix[2]. »

La gracieuse fille, l’habile servante de Pohja mit au feu des troncs de sorbier, jeta dans le brasier le bois illustre. Mais, il ne distilla point de sang ; il ne distilla ni sang ni eau, il distilla du miel, la douce séve du miel. Suovakko[3] parla de son coin, la vieille femme blottie sous le toit dit : « Puisque l’arbre distille du miel, puisqu’il distille la séve du miel, la troupe qui nous arrive est une grande troupe de prétendants. »

La mère de famille de Pohjola, la femme de Pohja, la fille de Pohja se hâtent de sortir dans la cour ; elles tournent les regards vers le grand golfe, la tête sous le soleil, elles voient que de là s’avance le nouveau navire,

  1. Voir page 41, note 3.
  2. Le sorbier, arbre sacré, était aussi un arbre prophétique. Voir page 11, note 1.
  3. Nom propre.