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deuxième runo

les plaines et sur les marais, sur les talus à la terre molle et sur les espaces rocailleux.

Il sema les pins sur les collines, les sapins sur les hauteurs, les bruyères sur les grèves ; il planta les vallées de jeunes arbrisseaux.

Puis il remplit les lieux humides, de bouleaux ; les lieux sablonneux, d’aulnes ; les endroits frais, de putiers ; les terres arrosées, de saules ; les terres sacrées, de sorbiers[1] ; les terres mouvantes, d’osiers ; les champs arides, de genevriers ; le bord des rivières, de chênes.

Et les germes poussèrent : on vit les branches se déployer avec leurs cimes fleuries, les pins avec leur couronne touffue, les bouleaux et les aulnes avec leur verdure ; on vit les putiers et les genevriers s’élever et se couvrir de beaux et savoureux fruits.

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen alla voir ce que Sampsa avait fait. Il reconnut que les jeunes rejetons avaient poussé, que les arbres avaient grandi. Seul, le chêne n’avait point fécondé sa semence ; seul, l’arbre de Jumala[2] n’avait point pris racine.

Wäinämöinen abandonna l’arbre rebelle à son destin ; puis il attendit trois nuits et trois jours, et quand à peu près une semaine se fut écoulée, il revint le visiter. Mais, le chêne n’avait point encore germé, l’arbre divin n’avait point poussé de racines.

Alors, quatre vierges, cinq jeunes fiancées, s’élancèrent du sein de l’onde[3]. Elles se mirent à faucher l’herbe haute, à tailler le gazon humide de rosée, et, à mesure qu’elles avançaient, elles ramassaient l’herbe avec un râteau, et l’amoncelaient en longue colline.

  1. Le sorbier était regardé par les anciens Finnois comme un arbre sacré ; sacrées aussi, par conséquent, étaient les terres dans lesquelles il était planté.
  2. Le Dieu suprême. Les Finnois appellent le chêne arbre de Jumala, comme les Grecs et les Romains l’appelaient arbre de Jupiter. Le mythe de Jumala se trouve expliqué avec tous les développements qu’il comporte, dans le second volume de cet ouvrage.
  3. Divinités des eaux.