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quatrième runo

Non, le renard ne sait point parler, le renard a disparu parmi les troupes d’oies.

Qui portera la nouvelle, qui fera entendre les récits de la langue, dans la maison renommée, dans la belle maison d’Aino ?

C’est le lièvre qui portera la nouvelle, c’est le lièvre qui fera entendre les récits de la langue.

Oui, le lièvre a dit avec assurance : « Les paroles ne se perdront point dans l’homme[1]. »

Et le lièvre se mit à bondir, les longues oreilles à sauter, les jambes crochues à mesurer l’espace, la bouche en croix à s’élancer légèrement, vers la maison renommée, vers la belle maison d’Aino.

Il arriva près de la chambre du bain et s’accroupit sur le seuil de la porte. Le bain était rempli de jeunes filles, armées de verges de bouleau[2]. Elles dirent au lièvre :

« Viens ici, bête aux pieds obliques, que nous te fassions cuire ; viens ici, bête aux yeux ronds, que nous te fassions rôtir, pour le souper du maître, pour le déjeuner de la maîtresse, pour le goûter de la fille, pour le dîner du fils de la maison. »

Le lièvre répondit, les yeux ronds dirent hardiment : « Que Lempo[3] vienne, si cela lui plaît, se faire cuire dans vos chaudières ! Quant à moi, je viens apporter la nouvelle, je viens faire entendre les récits de la langue. La jeune fille est tombée dans l’eau, la belle à la boucle d’étain, à la ceinture de cuivre, au bandeau d’argent, a disparu ; elle est descendue au fond de la mer, sous les vagues immenses, pour y devenir la sœur des poissons, la parente des habitants de l’onde.

  1. Proverbe finnois qui veut dire : « Ne doutez point que je ne retienne ce qui m’est dit et que je ne le rapporte fidèlement. » Le lièvre est, sans doute, préféré ici aux autres animaux, à cause de sa vélocité, de son obéissance, et parce que son humeur pacifique et timide lui laisse plus de loisirs.
  2. Voir page 32, note 1.
  3. Le génie du mal.