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Ps. 10,4, sec. Heb) S’il lui survient une pieuse pensée, le voilà qui fuit en désordre, qui ne sait où se réfugier. Si vous n’êtes pas plus affligé que l’homme injurié par vous, injuriez-le encore, continuez ; mais le tribunal secret de votre conscience vous a déjà flagellé mille fois. Quand vous saurez que la victime de vos injures n’a prononcé aucune parole amère, n’en serez-vous pas plus affligé ? Dites-moi, comment avez-vous pu outrager si cruellement cet homme si doux, si humble, si modeste ? Voilà ce que nous disons souvent, mais nous ne voyons pas que la conduite en profite. Eh quoi ! Un homme insulte un homme, un serviteur son compagnon de servitude ? Mais pourquoi s’en étonner puisque bien des gens insultent Dieu lui-même ?
4. Que cela vous console, si l’on vous offense. On vous a injuriés ? mais l’on injurie Dieu lui-même. On vous a insultés ? mais on insulte Dieu lui-même. On a craché sur vous ? c’est ce qu’a souffert Notre-Seigneur. Il est comme nous, il souffre les offenses et n’offense pas. Jamais il n’a blessé personne injustement ; loin de là ! jamais il n’a été injurieux ni injuste ; c’est donc nous et non pas vous qui sommes avec lui. Supporter l’injure, ç’est le propre de Dieu ; injurier sans raison, c’est l’œuvre du démon. Voilà les deux côtés. On a dit au Christ : « Vous êtes possédé du démon ». (Jn. 7,20) Il reçut un soufflet d’un esclave du grand prêtre. (Jn. 18,22) C’est au niveau de pareilles gens qu’il faut mettre ceux qui insultent injustement. Car si, à propos d’une seule parole, Jésus a donné à Pierre le nom de Satan (Mc. 8,33), ce nom s’appliquera encore bien mieux aux Juifs, lorsqu’ils agiront en Juifs ; de même qu’ils ont déjà été appelés enfants du diable (Jn. 8,44), parce qu’ils faisaient des actions diaboliques. Qui êtes-vous donc, pour outrager, dites-moi ? Ou plutôt, si vous outragez, c’est que vous n’êtes rien ; car celui qui mériterait le nom d’homme n’outragerait point. Dans les disputes, on dit souvent : Qui es-tu ? On devrait parler autrement ; dire, par exemple : Insulte-moi tant que tu voudras ; tu n’es rien. Nous disons plutôt : Pourquoi m’insultes-tu ? Et l’on nous répond toujours : Parce que je vaux mieux que toi. Cette réponse est l’opposé de la vérité ; mais comme nous interrogeons mal, on nous répond mal ; c’est notre faute. Nous semblons supposer que ceux qui nous outragent sont des hommes supérieurs ; lorsque nous leur disons : Qui es-tu, toi qui m’insultes ? On nous répond en conséquence. Il fallait leur dire au contraire : Tu m’insultes ? Eh bien ! insulte-moi, car tu n’es rien. C’est plutôt à ceux qui n’injurient jamais, qu’il fallait dire : Qui es-tu, toi qui n’insultes pas ? Tu dépasses la nature humaine. L’homme vraiment libre, vraiment noble, est celui qui ne dit rien d’ignoble, même à ceux qui le méritent.
Dites-moi, parmi les accusés, combien s’en trouve-t-il qui ne méritent pas la mort ? Cependant, loin d’être chargé de l’exécution, le juge ne fait que les interroger ; et encore ne le fait-il point par lui-même. Si le juge trouve convenable de prendre un intermédiaire pour parler à un méchant homme comme il le mérite, nous devons craindre, à bien plus forte raison, d’outrager nos égaux ; car, si nous les outrageons, ce ne sera pas le moyen de nous élever au-dessus d’eux ; nous devons apprendre, au contraire, que ces outrages retombent sur nous. Voilà pourquoi nous ne devons pas insulter, même les méchants ; quant aux hommes de bien, il y a cette autre raison qu’ils ne le méritent point ; enfin, il y a un troisième motif, c’est qu’il ne faut jamais insulter. Du reste, voyez ce qui en résulté quand un homme reçoit une injure ou un dommage, cela s’étend à celui qui l’a causé ainsi qu’aux témoins. Quoi donc ? Faut-il faire venir des bêtes féroces pour tout terminer, car il ne reste plus d’autre moyen. Lorsque des hommes se laissent emporter par leurs passions injustes, c’est aux bêtes à les réconcilier. De même quand les maîtres d’une maison se battent entre eux, c’est aux domestiques à les remettre d’accord ; (cela n’est peut-être pas naturel, mais l’occasion l’exige) Il en est de même ici : Tu m’insultes ? soit ; car tu n’es pas un homme.
Ainsi l’insulte, qui semble une marque de grandeur et de dignité, ne convient, au contraire, qu’aux esclaves, de même que les hommes libres doivent parler convenablement. C’est aux uns qu’il appartient de faire le mal, aux autres de le supporter. Par exemple, imaginez une domestique voleuse qui soustrait en cachette quelque chose à son maître ; c’est l’image de l’injure : elle ressemble, pour ainsi dire, à un voleur qui s’est glissé dans une maison et cherche à dérober quelque chose ; de même l’insulteur guette de tous côtés pour