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un créateur, mais un créateur qui produit ses œuvres sans peine. De là : « Je verrai les cieux, ouvrages de tes doigts : » non que Dieu ait des doigts ; mais le Psalmiste veut montrer que les créatures visibles n’ont coûté aucun effort, et c’est pour cela qu’il désigne des choses qui nous surpassent par des noms qui nous sont familiers. C’est ainsi qu’il dit ailleurs : « Celui qui mesure le ciel à l’empan et la terre avec la paume de sa main. » (Is. 40,10) Ce n’est pas qu’il ait en vue alors ni l’empan, ni la paume de la main, mais c’est qu’il veut représenter l’infinie puissance de Dieu. Comment donc quelques-uns osent-ils faire du Fils un ministre ? Celui qui n’a pas même mis en œuvre tous ses moyens quand il s’agissait de créer le ciel, que dis-je : tous ! pas même la plus faible partie : comment celui-là serait-il un simple ministre ? et comment serait-il un ministre si « ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement ? » Que devient ce mot : « Pareillement », si l’un est ministre et l’autre créateur ? Et comment le Psalmiste peut-il attribuer les œuvres mêmes à ce ministre, en disant, par exemple : « Au commencement, Seigneur, tu as fondé la terre, et les cieux sont des ouvrages de tes mains ; » ou comme ici : « Je verrai les cieux, ouvrages de tes doigts. » Les ouvrages ne sont point dus aux ministres, mais aux créateurs ; qu’il y ait eu, ou non, un ministre, c’est toujours au créateur que l’œuvre est attribuée. Donc les paroles de Moïse lui-même concernent aussi le Fils. Je veux dire : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre ; » et : « Qu’ils dominent sur les poissons de la mer. » (Gen. 1,1 et 26) Car celui qui mit sa louange dans la bouche des petits enfants à la mamelle, est le même qui visita l’homme.
9. Ce que Moïse dit du Père, Paul l’applique au Fils, montrant par là leur complète égalité. En conséquence, puisqu’il était indifférent aux Saints d’appliquer au Fils ce qui est dit du Père, et réciproquement : « Tout cela a été fait par lui. » (Jn. 1,3) Que devient cette appellation du ministre ? elle ne signifie plus rien. Mais, dira-t-on : « Par lui », cela signifie par son entremise[1]. Mais si la même expression est employée aussi en parlant du Père ? Écoutez plutôt : « Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la société de son Fils. » (1Cor. 1,9) Et encore : « Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu. » (2Tim. 1,1) Et ailleurs : « Puisque c’est de lui, et par lui, et en lui, que sont toutes choses. » (Rom. 11,36) Mais, pourquoi l’appelez-vous ministre ? – Par déférence pour le Père. – Pourtant le Fils a dit : « Afin que tous honorent le Fils, comme ils honorent le Père. » (Jn. 5,23) Pour celui qui n’honore pas le Fils, il est clair qu’il n’honore pas non plus le Père. Quoi donc, dira-t-on ? J’appellerai Père le Fils ? Nullement. Jésus n’a pas dit : Afin que vous m’appeliez Père ; mais bien, afin que vous honoriez le Fils éternel comme le Père. Appeler Père le Fils, ce serait tout confondre. La distinction subsiste : mais les honneurs sont communs. Si le Père est ici nommé avec le Fils, c’est justement pour prévenir la confusion des personnes. Mais si la substance de l’un n’était pas celle de l’autre, comment réclamerait-elle les mêmes honneurs ? On dira : Pourquoi donc le Christ parle-t-il souvent un langage si humble ? C’est pour nous enseigner l’humilité, c’est à cause de l’enveloppe de chair dont il était revêtu, c’est à cause de la stupidité des Juifs, c’est parce que l’espèce humaine ne peut être amenée à la vraie doctrine que pas à pas ; c’est en considération du peu de lumières des auditeurs : d’ailleurs il approprie souvent son langage aux opinions de ceux qui l’écoutent. En effet, les choses sublimes ne sont pas pour ceux-là seuls qui sont dignes de les entendre : ou plutôt, quoi que l’on puisse dire de la divinité, on demeure toujours bien au-dessous de sa grandeur, on emploie nécessairement le langage de la condescendance. Prenons un exemple : Dieu est grand ? Mais c’est parler petitement de Dieu : la grandeur, quelle qu’elle soit, est bornée ; or Dieu est infini. Et c’est encore en parler petitement. Je sais qu’il n’a point de limites ; mais ce qu’il est, où il est, c’est ce que j’ignore. Appelez-le sage, bon, et cela infiniment ; c’est encore parler un langage indigne de lui, si l’on n’attache aux termes une signification convenable. Par conséquent, si des expressions si fortes restent encore au-dessous de la vérité, comment justifier ceux qui voudraient les affaiblir ? Fuyons leurs entretiens, et bien persuadés de l’éternité du Fils unique, de son pouvoir créateur, de son absolue souveraineté, de sa consubstantialité

  1. La différence des langues nous a contraint d’amplifier un peu ce que saint Jean ne fait qu’indiquer ; la nuance est celle qui existe en latin entre a quo et per quem