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moins élevées, laissant aux esprits pénétrants le soin de trouver les autres. En effet, l’époque du Nouveau Testament est plus honorable et plus glorieuse pour l’homme : c’est alors qu’il a le Christ pour chef, qu’il devient son corps, son frère, son cohéritier, que, de corps, il est son semblable ; c’est alors qu’il surpasse en gloire Moïse même, ainsi que Paul l’a montré, puisque Moïse se voilait la face, tandis que nous contemplons tous aujourd’hui la gloire de Dieu à visage découvert. De là ces mots : « Ce qu’il y a d’éclatant dans cette partie n’a pas été véritablement glorieux à cause de la gloire éminente de l’autre. » (2Cor. 3,10) Le Prophète fait donc allusion à cette gloire. En effet, qu’est-ce qui pourrait égaler la gloire d’unir nos voix aux voix des anges, d’être adoptés, de voir le Fils unique lui-même immolé pour nous ? quelle pourpre, quel diadème n’est effacé par le privilège de mépriser la mort, de revêtir l’impassibilité des puissances incorporelles, nous, méprisés naguère, obscurs, rebutés ? Adam, sans avoir fait ni bien ni mal fut honoré dès sa naissance. Comment aurait-il pu agir avant d’exister ? Mais nous, après avoir commis une infinité de crimes, nous jouissons d’honneurs incomparablement plus grands. « Je ne vous appelle plus serviteurs », est-il écrit : « car vous êtes mes amis. » (Jn. 15,15, 14) Les anges ne rougissent plus à cause de nous : que dis-je ? ils s’entremettent pour notre salut. En effet, Philippe reçut la visite d’un ange, ainsi que beaucoup d’autres : des anges annoncèrent à des hommes la Bonne Nouvelle. Nous ne sommes plus des héritiers d’ici-bas ; nous sommes associés au patrimoine des cieux, nous partageons le domaine du Christ, du Fils unique. Tout cela est renfermé dans ce qui est écrit de notre gloire et de nos honneurs. Aussi le Psalmiste dit-il : « Vous le couronnerez de gloire et d’honneurs », parce qu’il prédit l’avenir. « Et vous l’avez établi sur les ouvrages de vos mains. » Un autre dit : « Et vous lui avez donné l’empire sur les ouvrages de vos mains. » (P. 8,7) « Vous avez tout mis sous ses pieds. Les brebis et tous les bœufs, avec les troupeaux de la campagne. » Suivant un autre : « Avec les bêtes sauvages. » (Id. 8) « Les oiseaux du ciel, et les poissons de l’Océan qui traversent les chemins des mers. » (Ibid 9) « Seigneur, notre Seigneur, que votre nom est admirable sur toute la terre ! » (Id. 10) Comme en parlant de la création, il ne se contente pas de toucher aux puissances d’en haut, et aborde aussi les choses sensibles. Ainsi, lorsqu’il expose les honneurs accordés à l’homme, il indique par une simple allusion les choses mystérieuses et incorporelles dont il a fait mention, et insiste principalement sur les avantages sensibles, comme plus propres à frapper les esprits grossiers. Quels sont ces avantages ? L’empire donné à l’homme sur ce monde. Et ce qu’il y a d’admirable, ce que le Psalmiste indique surtout, c’est que l’homme comblé d’honneurs avant sa faute, n’en soit pas déchu après son péché. « Vous l’avez abaissé un peu au-dessous des anges », c’est-à-dire, vous avez puni son péché de la mort. Mais vous n’avez point pour cela dépouillé ce condamné à mort des présents que vous lui aviez faits. En conséquence, il montre aussitôt après l’ineffable bonté de Dieu, qui, malgré l’abaissement où nous sommes tombés par suite de notre péché, a permis que nous fussions couronnés de gloire, et n’a diminué en rien notre empire. Ou du moins s’il en a retranché quelque chose, c’est encore un effet de sa sollicitude. Avant sa désobéissance, l’homme étendait son autorité jusque sur les bêtes. Après la désobéissance, il perdit quelque chose de ce pouvoir. Encore aujourd’hui il a des moyens pour les rendre dociles ; mais il faut qu’il les effraye, les épouvante. Dieu ne lui a pas ôté tout son pouvoir, il ne lui a pas non plus laissé ce pouvoir tout entier. Les animaux nécessaires soit à la nourriture, soit à l’industrie de l’homme, sont restés sous sa domination : mais il n’en est plus ainsi des bêtes sauvages, qui lui font une guerre destinée à lui rappeler la faute autrefois commise par Adam, notre premier père. De sorte que cette révolte même est pour nous un grand avantage. Quel profit nous reviendrait-il de la docilité des lions, de la domesticité des panthères ? Rien qu’orgueil et vanité. Voilà pourquoi Dieu a permis que ces animaux-là s’affranchissent de notre autorité, tout en nous assujettissant ceux qui peuvent nous être utiles, le bœuf qui laboure, la brebis qui revêt la nudité de notre corps, les bêtes de somme nécessaires pour le transport, les oiseaux, les poissons, qui font l’ornement de nos tables.
8. Dieu agit vis-à-vis de nous comme un