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enfant, et le Seigneur m’a donné ce que je lui avais demandé. Et maintenant je le prête au Seigneur. Voyez sa modestie. Ne croyez pas, veut-elle dire, que je fasse une grande, une admirable action, en consacrant mon jeune fils ! je n’ai pas eu l’initiative de ce bien, je ne fais qu’acquitter une dette. J’ai reçu un dépôt : je le rends à celui qui me l’a confié. En disant ces paroles, elle se consacrait elle-même avec son enfant, elle s’enchaînait pour ainsi dire au temple par le lien de son attachement naturel.
4. En effet, si à l’endroit où est le trésor de l’homme, là est aussi son cœur, la pensée de la mère était à plus forte raison auprès de son enfant. Et son sein se remplissait d’une nouvelle bénédiction. Car après qu’elle eut dit ces mots, et qu’elle eut prié, écoutez le langage que tint le prêtre à Elcana : Que le Seigneur te rende une nouvelle progéniture issue de cette femme, en échange du prêt que lit as fait au Seigneur. (1Sa. 2,20) Au commencement il ne disait pas : Qu’il te rende, mais bien qu’il t’accorde tout ce que tu lui demandes. Mais lorsqu’elle eut fait de Dieu son débiteur, il dit qu’il te rende, de manière à lui faire concevoir de belles espérances pour l’avenir. En effet, celui qui avait donné sans rien devoir, ne pouvait manquer de rendre après avoir reçu. Le premier enfant dut par conséquent son origine à la prière, les suivants à la bénédiction : et de cette façon tous les rejetons d’Anne furent désormais sanctifiés. Elle n’avait dû qu’à elle-même son premier-né : le second fut dû au concours d’elle-même et du prêtre. Et comme une terre grasse et féconde, après qu’on y a déposé la graine, étale à nos yeux des moissons superbes : de même Anne, ayant reçu avec foi les paroles du prêtre, nous donna d’autres épis florissants, et abrogea l’antique malédiction, en mettant au jour des enfants de prière et de bénédiction. Suivez donc son exemple, femmes qui m’écoutez : Si vous êtes stériles, offrez une telle prière, et sollicitez le prêtre de se charger de votre ambassade. Quand vous aurez accueilli avec foi ses paroles il est impossible que la bénédiction de vos pères n’aboutisse point à un beau fruit mûr. Si vous devenez mère, consacrez, vous aussi, votre enfant. Anne mena le sien au Temple : faites au vôtre en vous-même un temple magnifique. Car vos membres, dit l’apôtre, sont le corps du Christ, et le temple de l’Esprit-Saint qui est en vous. (1Cor. 6,19) Et ailleurs : J’habiterai en vous-mêmes et je marcherai parmi vous. (2Cor. 6,16) Ne serait-il pas absurde, quand on répare une maison délabrée qui menace ruine, qu’on dépense de l’argent pour cela, qu’on rassemble des ouvriers, qu’on ne néglige rien, de ne pas accorder la moindre sollicitude à la demeure de Dieu, (car l’âme de l’enfant doit être la demeure de Dieu) ? Prenez garde de vous entendre dire, ce qui fut dit autrefois aux Juifs. Comme au retour de la captivité, ils voyaient leur temple négligé, et qu’ils s’occupaient néanmoins à parer leurs maisons, ils irritèrent Dieu à tel point qu’il envoya son prophète, et les menaça de la famine, et d’une extrême disette des choses nécessaires à la vie : il leur dit aussi la raison de cette menace ; la voici : Vous habitez dans des maisons lambrissées, et ma maison est abandonnée. (Agg. 1,4) Si la négligence des Juifs à l’égard de ce temple excita à ce point la colère de Dieu, à plus forte raison l’abandon de cet autre temple spirituel est-il fait pour irriter le Maître : en effet ce dernier temple l’emporte d’autant plus sur l’autre en valeur, qu’il offre de plus grands symboles de sanctification. Ne souffrez donc pas que la maison de Dieu devienne une caverne de voleurs, afin de ne pas vous entendre répéter le reproche que le Christ adressa aux Juifs, à savoir : La maison de mon Père est une maison de prière ; et vous en avez fait une caverne de voleurs. (Mt. 21,13 ; Luc XIX, 46) Mais comment cette autre maison devient-elle une caverne de voleurs ? C’est lorsque nous laissons pénétrer et s’acclimater dans les âmes des jeunes gens des appétits mercenaires, serviles, enfin toute espèce de libertinage. En effet les brigands sont moins à craindre que de pareilles pensées, qui asservissent les enfants, les rendent esclaves des passions déraisonnables, leur font sentir de tous côtés de perçants aiguillons, et déchirent leur âme de mille plaies. Songeons donc à cela tous les jours, et, armés du fouet de la raison, chassons de leur cœur toutes les passions de ce genre, afin que nos enfants puissent être admis dans la cité céleste et exercer complètement les fonctions dévolues à ses habitants. N’avez-vous pas vu souvent en ce monde les chefs des États, dès que leurs enfants ont quitté la mamelle, en faire des thallophores[1], des agonsthètes[2], des gymnasiarques[3],

  1. On nommait ainsi ceux qui portaient des rameaux d’olivier dans certaines fêtes publiques.
  2. Nom de ceux qui présidaient aux jeux publics et décernaient le prix.
  3. Directeurs des gymnases où les jeunes gens s’exerçaient.