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Seigneur, luise devant les hommes afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient voire Père qui est dans les cieux. (Mt. 5,16)
4. Je voulais ajouter, à ce discours, des réflexions sur l’aumône, mais il me paraît superflu de vous l’enseigner par des paroles, quand vous avez, pour vous instruire, les actions et les exemples de celui qui est assis au milieu de nous[1], de notre commun père et docteur ; on dirait qu’il n’a reçu, de ses frères, son patrimoine que pour le consacrer aux soins de l’hospitalité, à ceux qu’on chasse dé toutes parts parce qu’ils confessent la vérité ; il les accueille et toutes, ses ressources, il les emploie à les réconforter, de sorte que l’on ne saurait dire si sa maison lui appartient ou s’il faut l’appeler la maison des étrangers. Je me trompe, ne faut-il pas dire que c’est sa maison, précisément parce que c’est la maison des étrangers ? En effet, nous sommes les maîtres de nos biens, surtout quand ce n’est pas pour nous, mais pour les pauvres, que nous les possédons, que nous les dépensons. Je m’explique : l’argent que vous déposez dans la main du pauvre, n’a plus à craindre, ni le calomniateur, ni les regards de l’envie, ni le voleur, ni le brigand qui perce les murailles, ni l’esclave qui le ravit et prend la fuite : la main du pauvre est un asile. Enfouir l’argent chez vous, c’est l’exposer au voleur, au brigand qui perce les murailles, à l’envieux, au calomniateur, à l’esclave, à tout ce qui le perd ; il arrive souvent qu’à force de portes et de verrous on préserve son argent des pertes du dehors ; mais on ne le préserve pas contre ceux qui le gardent dans la maison, et ceux à qui on l’a confié s’en emparent et prennent la fuite. Vous voyez bien maintenant que la vraie manière, pour nous, de nous rendre les maîtres de nos biens, c’est de les déposer dans les mains des pauvres, et ce n’est pas là seulement la garde la plus sûre, c’est aussi le meilleur moyen d’augmenter le profit et le revenu ; qui prête à un homme, reçoit un centième ; qui prête à Dieu, par le moyen du pauvre, ne reçoit pas le centième, mais le centuple : Si vous ensemencez un champ fertile, si la moisson est abondante, elle vous rend dix fois lai semence ; si vous ensemencez le ciel, après avoir reçu le centuple vous posséderez encore la vie éternelle, la vie qui ne connaît ni la vieillesse ni la mort. Et il faut prendre beaucoup de peine pour cultiver un champ ; celui qui ensemence le ciel, n’a besoin, ni de charrue, ni de bœufs, ni de culture pénible, ni de tant d’autres travaux, ni de tant de fatigues, et la semence pullule, et, ni les chaleurs, ni les pluies, ni les chenilles, ni la grêle, ni les sauterelles, ni les fleuves débordés, ni tous les fléaux de ce genre n’épouvantent le semeur. Les semences que l’on fait là-haut ne se perdent jamais. Eh bien donc ! puisqu’il n’y a ni travail, ni danger, ni inquiétude, ni perte possible ; puisqu’une fois qu’on a jeté la semence, il en sort une moisson, qui rend ; tant et tant de, fois la semence, tant de biens, tant de richesses qui pullulent, biens que l’œil n’a point vus, que l’oreille n’a pas entendus, et que le cœur de l’homme n’a jamais conçus. (1Cor. 2,9) N’est-ce pas le comble de la négligence, de ne pas voir le bien le plus précieux et de poursuivre le moins considérable ; d’abandonner, le certain, pour aller à ce qui est incertain, plein de dangers, exposé aux malheurs sans nombre ? Quel droit pouvons-nous avoir au pardon ? Quelle peut être notre excuse ? Nous nous faisons un prétexte de la pauvreté ; mais nous ne sommes pas plus pauvres que cette veuve, qui, n’ayant que deux petites pièces de monnaie, les déposa dans le tronc des pauvres. (Lc. 21,2) Soyons donc jaloux des richesses de cette femme ; imitons sa munificence pour obtenir les biens qui lui sont réservés et puissions-nous, tous, les conquérir, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

  1. L’évêque Flavien.