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Quant à celui qui l’inspire, elle lui fait tout le contraire du mal qu’elle veut lui causer. Ne considérez donc pas ce que sont d’abord les personnes à qui l’on porte envie, mais voyez comme elles finissent, et remarquez que la malice des envieux est un sujet de gloire pour ceux que poursuit leur jalouse colère. Ceux qu’attaque l’envie ont Dieu pour auxiliaire, ils jouissent de sa grâce ; l’envieux, dépouillé de la grâce, est toujours facilement vaincu ; ravagé par ses propres passions, avant de l’être par les ennemis du dehors, il se consume ; de secrètes morsures le dévorent ; il se plonge dans la malignité où, pour ainsi dire, il s’engloutit. Instruits de ces vérités, je vous en conjure, fuyons cette maladie funeste, et, de toutes nos forces, chassons-la de notre âme ; car, de toutes les passions, c’est la plus destructrice, c’est la perte de notre salut. L’envie, c’est l’invention propre du démon. Voilà pourquoi un sage disait : C’est l’envie du démon qui a fait entrer la mort dans le monde. (Sag. 2,24) Qu’est-ce à dire : C’est l’envie du démon qui a fait entrer la mort dans le monde ? Ce monstre vit d’abord l’homme immortel ; par sa malice il le porta à la désobéissance, et cette désobéissance a été, pour le démon, un moyen d’assujettir l’homme à la mort. L’envie a donc opéré la déception ; la déception la désobéissance, la désobéissance la mort ; de là ces paroles L’envie du démon a fait entrer la mort dans le monde. Voyez-vous tout ce que cette passion a de funeste ? L’être immortel, elle l’a rangé sous le joug de la mort. Toutefois, si l’ennemi de notre salut, n’écoutant que l’envie qui le tourmente, a fait, du premier homme, de l’être immortel, un condamné à mort, la miséricorde du Seigneur, le soin que le Seigneur prend de nous, l’a porté à mourir lui-même, pour nous faire une seconde fois le magnifique présent de l’immortalité. D’où il suit qu’après avoir tant perdu, nous avons retrouvé plus encore ; le diable nous a chassés du paradis, Dieu nous a conduits au ciel ; le diable nous a fait condamner à mort, Dieu nous a gratifiés de l’immortalité ; le diable nous a privés des délices du paradis, Dieu nous a ménagé le royaume du ciel. Comprenez-vous l’industrie du Seigneur ? Comprenez-vous ce qu’il a fait de cet artifice de l’envie du démon, conspirant contre notre salut ? Dieu l’a retourné contre la : tête du démon. non seulement il nous accorde des biens plus précieux, mais il le renverse lui-même sous nos pieds. Vous voyez que je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions. (Lc. 10,19) Donc, méditons désormais toutes ces pensées, chassons l’envie de nos âmes, appliquons-nous à, conquérir l’affection de Dieu. Voilà nos armes, armes solides, armes invincibles, notre vraie richesse, notre force, notre incomparable puissance. C’est par là qu’Ismaël, que cet enfant, que cet abandonné, dans la solitude, privé de tout, manquant de tout, soudain a grandi et est devenu chef d’un grand peuple. C’est que, dit l’Écriture : Dieu était avec l’enfant (Gen. 21,20) ; pensée qui nous a inspiré tout ce discours. Méprisons donc, je vous en prie ; les choses présentes ; ne désirons que les biens à venir ; préférons à toutes choses la grâce de Dieu, et, par une vie excellente, préparons-nous, réservons-nous la pleine confiance, de manière à passer sans tristesse importune la vie présente, de manière à conquérir les biens de la vie future, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l’empire, l’honneur, maintenant et toujours, et dans tes siècles des siècles. Ainsi soit-il.