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incorporelles et supérieur aux exigences de la chair, malgré le corps qui l’enveloppait. Ensuite quand l’homme, par sa négligence, eut succombé au piège diabolique que lui tendait le serpent, Dieu ne cessa point d’être bon pour ce pécheur, ce coupable : par sa punition même, comme nous l’avons dit hier, il montra l’excès de sa bonté et lui accorda encore une infinité d’autres bienfaits. Par la suite des temps, la race s’étant accrue et se détournant vers le mal, quand Dieu eut vu que les plaies étaient incurables, il détruisit tous ces artisans du vice, comme un mauvais levain, laissant ce juste pour en faire la racine et l’origine du genre humain. Voyez encore quelle est sa bonté envers ce juste. C’est par lui et ses fils qu’il a fait multiplier l’humanité en foule innombrable : peu à peu, choisissant des justes, je veux dire les patriarches, il les a établis comme les précepteurs du genre humain, capables d’entraîner tout le monde par l’exemple de leurs vertus, et comme des médecins, de guérir les maladies morales. Il les a conduits ; tantôt en Palestine, tantôt en Égypte, afin de montrer à découvert, d’un côté la patience de ses serviteurs, et, de l’autre, de déployer toute sa puissance : ainsi, il s’est toujours montré empressé pour le salut de la race humaine, en suscitant des prophètes, et leur faisant accomplir des signes et des miracles. En un mot, de même que nous ne pourrions pas, avec mille efforts, compter le nombre des flots de la mer, de même nous ne pourrions énumérer la variété des bienfaits que Dieu a épanchés sur notre nature. Enfin, quand il vit qu’après tant de bienveillance de sa part et sa miséricorde inouïe, la race humaine était encore retombée, sans avoir pu être retenue par les patriarches, les prophètes, les miracles les plus frappants, les châtiments et les avertissements si souvent répétés, enfin par les captivités consécutives, Dieu ayant pitié de notre race, pour guérir nos âmes et nos corps, nous envoya son Fils unique, sortant, pour ainsi dire, des bras paternels ; il lui fit prendre la forme d’un esclave dans le sein d’une Vierge, vivre avec nous et supporter toutes nos misères pour enlever de la terre au ciel notre race abattue sous le poids de ses péchés. Le fils du tonnerre, frappé de l’excès de bonté que Dieu avait déployé à l’égard du genre humain, nous disait à haute voix : C’est ainsi que Dieu a aimé le monde. (Jn. 3,16) Voyez quels prodiges renferme ce mot : C’est ainsi ! Il fait comprendre la grandeur de ce qui va suivre, et c’est pourquoi l’Écriture commence ainsi. Donnez-nous donc, ô saint Jean, l’explication de ce mot, c’est ainsi dites-nous l’étendue, la grandeur, l’excellence d’un pareil bienfait. C’est ainsi que Dieu a aimé le monde, au point de nous donner son Fils unique, pour que tout homme croyant en lui ne meure pas, mais ait la vie éternelle.

Voilà la cause de la venue du fils de Dieu en ce monde, il y est venu pour que les hommes qui allaient périr, trouvassent une occasion de salut dans la foi en lui. Qui pourra concevoir cette grande et admirable libéralité qui dépasse notre raison, par laquelle le don du baptême, accordé à notre nature, efface tous nos péchés ? Mais que dis-je ? Si l’esprit ne le conçoit pas, la parole peut encore moins le rendre, et quoi que je dise, il m’en restera encore plus à dire. Qui aurait pu imaginer cette voie de pénitence que Dieu, par son inexprimable bonté, a ouverte à notre race, en nous donnant, après la grâce du baptême, ces admirables préceptes par lesquels, si nous le voulons bien, nous pourrons rentrer en grâce avec lui.

2. Vous avez vu, mes bien-aimés, l’abîme de ses bienfaits, vous avez vu combien nous en avons comptés, mais nous n’avons pu vous en dire encore qu’une faible partie. Comment une langue humaine pourrait-elle exposer tout ce que Dieu a fait pour nous ? Quels que soient ses bienfaits dans cette vie, il en a promis de plus grands et d’inexprimables dans l’autre vie à ceux qui auront marché sur terre dans le sentier de la vertu. Saint Paul nous en indique la grandeur en quelques mots : Dieu a préparé à ceux qui l’aiment des biens que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, que le cœur de l’homme n’a pas devinés. (1Co. 2,9) Quels dons inouïs, quelle magnificence au-dessus de toute pensée humaine ! Il dit : que le cœur de l’homme n’a pas deviné. Méditons ces paroles, et rendons grâce à Dieu suivant nos forces, nous pourrons bien mieux nous concilier sa bienveillance et devenir plus capables d’être vertueux. Car le souvenir des bienfaits de Dieu suffit pour nous rendre supportables les efforts de la vertu, nous préparer à mépriser toutes les choses présentes et pour nous attacher à Celui qui nous comble de ses faveurs, en nous pénétrant d’un amour chaque jour plus ardent. Ainsi Noé a obtenu tant de bienveillance et de grâce d’en haut, parce qu’il avait montré sa reconnaissance