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chef de votre armée ; s’il n’avait fait que cela, t’eût été déjà le signe d’une bien grande puissance que d’enchaîner son ennemi, son adversaire, mais il a fait une chose bien plus grande non seulement il s’est réconcilié son ennemi, mais il se l’est rendu tellement familier, tellement bienveillant, qu’il a pu lui confier toutes les affaires de son Église : Cet homme, dit-il, m’est un vase d’élection pour porter mon nom devant les nations et les rois (Act. 9, 15), et qu’il lui a fait supporter plus de travaux qu’aux autres apôtres dans l’intérêt de cette Église qu’il avait d’abord combattue.
6. Voulez-vous avoir la preuve qu’il se l’est réconcilié, qu’il se l’est rendu familier, qu’il l’a aimé, qu’il l’a mis au nombre de ses premiers amis ? C’est qu’il n’a révélé à personne autant de secrets qu’à Paul. Et qu’est-ce qui le prouve ? J’ai entendu, dit-il, des paroles mystérieuses qu’il n’est pas permis à un homme de redire. (2Co. 12, 4) Voyez-vous quelle faveur obtient celui qui fut un ennemi, un adversaire ? Aussi faut-il rappeler sa vie antérieure ; cela nous montrera la charité de Dieu et sa puissance ; sa charité, puisqu’il a voulu sauver et attirer à lui celui qui lui avait fait tant de mal ; sa puissance, puisqu’il a pu ce qu’il a voulu. Cela nous montre aussi le caractère de Paul, qui n’agissait pas par ambition, ni pour la gloire humaine, comme les autres juifs, mais par zèle, quoique ce zèle fût mal dirigé ; c’est ce qu’il nous dit en ces termes : J’ai obtenu miséricorde, parce que j’ai agi par ignorance, dans l’incrédulité (1Ti. 1, 13) ; et dans son admiration pour la charité dé Dieu, il s’écrie : Afin qu’en moi, le premier, le Christ montrât toute sa patience, en sorte que je servisse d’exemple à ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle (Id. 1, 16) ; et en un autre endroit encore : Il a montré quelle est la grandeur de sa puissance en nous qui croyons. (Eph. 1, 19) Voyez-vous comme la vie antérieure de Paul montre la charité de Dieu et sa puissance, ainsi que la vigueur d’âme de l’Apôtre ? Que sa conversion ait été pure de tout motif humain, et due uniquement à l’opération de la grâce, il le montre encore dans l’Épître aux Galates : Si je plaisais aux hommes, dit-il, je ne serais plus le serviteur du Christ. (Gal. 1, 10) Mais qu’est-ce qui nous prouve encore que ce n’est pas pour plaire aux hommes que vous vous êtes mis à prêcher l’Évangile ? Vous avez ouï dire que j’ai vécu autrefois dans le judaïsme, qu’à toute outrance j’ai persécuté l’Église de Dieu et l’ai ravagée. (Gal. 1, 13) Donc, s’il avait voulu plaire aux hommes, il n’aurait pas passé du côté des fidèles. Pourquoi ? Parce qu’il était honoré chez les juifs, qu’il y jouissait d’une grande tranquillité et de grands honneurs ; il n’aurait donc pas embrassé par un motif humain la vie des apôtres, si pleine de périls, si méprisée, si malheureuse. Oui, ce changement et cette conversion, cet abandon des honneurs dont il jouissait chez les juifs et de la vie calme qu’il y menait pour embrasser la vie des apôtres, exposée à mille dangers, est la plus grande preuve que toute considération humaine fut étrangère à la détermination de Paul.
C’est pour cela que nous avons voulu exposer sa vie antérieure, montrer l’ardeur qui le dévorait contre l’Église, afin qu’en voyant son zèle pour elle, vous admiriez [lieu qui fait et transforme tout. C’est pour cela aussi que le disciple de Paul a raconté les événements antérieurs avec exactitude et clarté : Saul, dit-il, respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur. Je voudrais bien, moi aussi, entreprendre ce début dès aujourd’hui, je voudrais me jeter sur le commencement de la narration ; mais je vois dans ce seul nom toute une mer de pensées. Voyez quelle question nous amène de suite ce seul mot, Saul ! Car nous trouvons dans les épîtres un autre nom : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat. (Rom. 1, 1) Paul et Sosthènes : Paul, apôtre par vocation divine. (1Co. 1, 1) Voici que moi Paul je vous dis. (Gal. 5, 2) Ici il est appelé Paul, partout on trouve le même nom, et nulle part Saul. Pourquoi avant sa conversion fut-il appelé Saut, et Paul après ? Ce n’est pas une petite question ; car aussitôt se présente le nom de Pierre d’abord il s’appelait Simon et il fut ensuite appelé Pierre ; les fils de Zébédée, Jacques et Jean, furent surnommés fils du tonnerre. Mais s’il en est ainsi dans le Nouveau Testament, nous trouvons aussi Abraham appelé d’abord Abram, puis Abraham ; Jacob, d’abord Jacob, puis Israël ; Sarra, d’abord Sara, puis Sarra ; et ces changements de nom donnent matière à des recherches étendues, et je crains que si je laisse échapper ce fleuve, je ne submerge sous ses flots toute instruction. De même que, dans un pays humide, partout où l’on creuse, des fontaines jaillissent ; de même, dans les divines Écritures, partout où l’on approfondit,