Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/557

Cette page n’a pas encore été corrigée

font sortir. Nous, nous jetons dans l’eau les poissons, et tout ce qui en sort trouve la vie. Il y avait anciennement chez les Juifs une piscine ; mais apprenez quelle était sa vertu, afin que vous puissiez comparer l’indigence des Juifs avec notre opulence : Un ange descendait dans la piscine, dit l’Évangéliste, il en remuait l’eau ; et le premier malade qui y entrait après que l’eau avait été remuée, obtenait sa guérison. (Jn. 5,4) Le Maître des anges est descendu dans le fleuve du Jourdain, et en sanctifiant la nature des eaux, il a guéri toute la terre. Alors, celui qui descendait le second dans la piscine n’était plus guéri, parce que c’était une grâce accordée à des Juifs faibles et encore attachés à la terre. Aujourd’hui, quand un second entrerait dans les eaux spirituelles, quand il y entrerait un troisième, quand on y ferait descendre dix mille personnes, ou même tous les peuples de la terre, il est impossible que la faveur tarisse, que la grâce s’épuise, que les eaux se souillent, que la libéralité divine diminue.
Admirez donc, mes frères, la grandeur du bienfait ; admirez-la principalement, vous qui cette nuit avez été mis au nombre des citoyens de la Jérusalem céleste. Montrez une vigilance qui réponde à l’excellence des grâces que vous avez reçues, afin d’en attirer de plus abondantes ; car la gratitude pour les bienfaits déjà accordés sollicite la libéralité du Seigneur. Il ne vous est plus permis, mon cher frère, de vivre au hasard ; vous devez vous prescrire des lois et des règles, afin d’agir en tout avec exactitude, et de montrer la plus grande attention dans les choses même regardées comme indifférentes. La vie présente est un combat perpétuel, et il faut que ceux qui sont une fois entrés dans cette lice de la vertu gardent en tout une tempérance scrupuleuse. Un athlète qui dispute le prix, dit saint Paul, doit garder en tout une exacte tempérance. (1Co. 9,25) Ne voyez-vous 1 Cette nuit, la nuit du samedi-saint à Pâques. On sait que cette nuit était un des temps où l’on baptisait le plus de catéchumènes. pas, dans les combats gymniques, combien les athlètes sont attentifs sur eux-mêmes, quoiqu’ils n’aient à lutter que contre des hommes ? ne voyez-vous pas quel régime austère ils observent en exerçant leur corps ? Nous devons les imiter, d’autant plus que nous n’avons pas à combattre contre des hommes, mais contre les esprits de malice répandus dans l’air. Notre tempérance et nos exercices doivent être spirituels, puisque les amies dont le Seigneur nous a revêtus sont spirituelles. Les yeux doivent avoir leurs bornes et leurs règles, pour qu’ils ne se jettent pas indistinctement sur tous les objets ; la langue doit avoir une garde, pour qu’elle rie prévienne pas la réflexion ; les dents et les lèvres ont été mises devant la langue, pour qu’elle ne franchisse point légèrement ces barrières, mais pour qu’elle ne produise des sons que quand nous aurons réglé ce qu’elle doit dire, et qu’alors, s’expliquant avec sagesse, elle ne profère que des paroles qui puissent satisfaire et édifier ceux qui les écoutent. Il faut éviter absolument les ris immodérés ; notre démarche doit être paisible et tranquille, nos habits décents et honnêtes. Quiconque est inscrit pour la lice de la vertu ne peut être trop régulier et trop modeste dans tout son extérieur, parce que la décence du corps est un indice des dispositions de l’âme. Si nous contractons de bonne heure ces heureuses habitudes, nous marcherons sans peine dans le chemin de la vertu et nous le parcourrons tout entier ; les routes s’aplaniront de plus en plus devant nous, et nous obtiendrons de grands secours d’en haut. Ainsi, nous pourrons traverser sans crainte les flots de la vie présente, et, triomphant de toutes les ruses du démon, acquérir les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l’honneur et l’empire sont au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.