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certain péché, il dit : c’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup d’infirmes et de languissants. Ainsi le Christ fait d’abord disparaître la cause des maux, et par ces mots : Confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis, il relève le malade et réveille son âme engourdie : car sa parole est suivie d’effet ; elle pénètre jusqu’à la conscience, atteint l’âme, et lui rend une parfaite tranquillité. Car rien ne cause tant de joie, ne rend tant de confiance que de n’éprouver aucun remords. Confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis. Là où les péchés sont pardonnés, il n’y a plus que des enfants d’adoption. C’est ainsi que nous ne pouvions pas appeler Dieu notre Père, avant que l’eau régénératrice n’eût lavé nos souillures, et quand nous avons reparu après l’immersion, ayant déposé ce fardeau, alors nous avons dit : Notre Père qui êtes aux cieux. Mais pourquoi, à l’égard de l’autre paralytique, n’en a-t-il pas agi de même et a-t-il commencé par guérir son corps ? Parce que la longue durée de sa maladie avait expié ses péchés : une grande épreuve peut nous délivrer du fardeau de nos iniquités : de Lazare il est dit qu’il a reçu les maux ici-bas et que dans le sein d’Abraham il est dans la joie ; et ailleurs nous lisons : Consolez mon peuple, parlez au cœur de Jérusalem, lui disant qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double de ses péchés. (Isa. 40, 1-2) Et le Prophète dit encore : Seigneur, donnez-nous la paix ; car vous n’avez rien laissé impuni (Isa. 26, 12), montrant par là que les punitions et les châtiments nous obtiennent le pardon de nos péchés, vérité que bien des preuves nous démontrent.
Pour le paralytique de la piscine, Jésus-Christ ne lui a pas remis ses péchés, il l’a seulement prémuni pour l’avenir, parce que, ce me semble, ses péchés avaient déjà été pardonnés en considération de sa longue maladie ; ou, si ce n’est pas là le vrai motif, au moins dirai-je que, comme il n’avait pas une foi bien grande au Christ, Jésus commença par un prodige moindre, mais éclatant et visible, c’est-à-dire par lui rendre la santé du corps. Avec l’autre malade il n’agit pas de même ; mais comme il avait une foi plus grande, une âme plus élevée, il lui parle d’abord d’une maladie plus grave, pour les motifs que j’ai indiqués et en outre pour se déclarer l’égal du Père en dignité. De même qu’il ne guérit à Jérusalem un jour de sabbat que pour détourner les spectateurs de l’observance judaïque et afin que les accusations des Juifs lui fournissent l’occasion de se montrer égal à son Père, de même prévoyant en la circonstance présente ce qu’ils allaient dire, il parla comme il le fit pour en prendre occasion de montrer que sa dignité est égale à celle du Père. C’est une tout autre chose de tenir ce langage de lui-même sans que personne le blâme ni ne l’accuse, ou bien de le faire pour se défendre, quand les autres lui en fournissent le prétexte. La première manière eût choqué les auditeurs, la seconde excitait moins de haine, s’admettait plus facilement et c’est ainsi du reste que nous le voyons agir toutes les fois que, par ses paroles ou par ses œuvres, il se déclare l’égal de son Père. C’est ce que nous indique l’Évangéliste (Jn. 5, 16) en nous disant que les Juifs le blâmèrent non-seulement de ce qu’il avait violé le sabbat, mais encore de ce qu’il appelait Dieu son Père, se faisant égal à Dieu, ce qui était bien plus grave : c’est ce qu’il montrait moins par ses paroles que par ses œuvres. Pourquoi donc ces méchants, remplis de haine et d’envie, cherchent-ils partout l’occasion de le confondre ? Celui-ci blasphème, se disent-ils ? Personne ne peut remettre les péchés que Dieu seul. (Mrc. 2, 7) Là, ils le blâment d’avoir violé le sabbat, et leurs accusations lui donnant occasion, pour se défendre, de se déclarer égal à son Père, il leur dit : Ce que mon Père fait, je le fais aussi. De même ici, leurs critiques lui sont un sujet de se montrer égal à son Père. Car que disent-ils ? Personne ne peut remettre les péchés que Dieu seul. Ils ont eux-mêmes tracé cette limite, assigné cette règle, dicté cette loi ; il va les convaincre par leurs propres paroles. Vous avez dit que c’était le propre de Dieu de remettre les péchés : vous proclamez ainsi manifestement l’égalité du Christ avec Dieu. Ils ne sont pas du reste les seuls qui l’aient proclamé ; déjà le Prophète avait dit : Qui est Dieu comme vous ? puis il montre ce qui est propre à Dieu, en disant : Vous effacez les iniquités et faites disparaître les injustices. (Mic. 7, 18) Si donc vous voyez quelqu’un qui fait la même chose, il est Dieu, Dieu comme le premier.
Mais voyons comme le Christ les confond, avec quelle douceur, quelle modestie, quelle charité ! Et voici que quelques-uns des scribes dirent en eux-mêmes : celui-ci blasphème. (Mat. 9, 3) Ils n’avaient pas prononcé une parole, pas dit un mot, mais leur critique était encore cachée au fond de leur âme. Que fait le Christ ?