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suffit à elle-même. Elle se contente de commander et tout danger disparaît.
Et si vous trouvez admirable que la guérison s’opère avec tant de facilité, il est plus étonnant encore qu’elle se fasse sans douleur, sans que les malades éprouvent aucune souffrance. Puis donc que le miracle est plus grand, la guérison plus entière et le plaisir des spectateurs exempt de toute tristesse, examinons de près, nous aussi, le Christ opérant cette guérison : Jésus étant monté dans une barque, traversa la mer et vint dans sa ville. Et voilà que des gens lui présentaient un paralytique gisant sur un lit, et Jésus voyant leur foi, dit à ce paralytique : Mon fils ayez confiance, vos péchés vous sont remis. (Mat. 9, 1-2) Leur foi le cède à celle du centurion, mais l’emporte sur celle du paralytique de la piscine. Le centurion n’attira pas le médecin chez lui, il ne lui amena pas non comme le malade, mais s’adressant à lui comme à Dieu, il lui dit : Prononcez seulement une parole et mon serviteur sera guéri. (Luc. 7, 75) Les gens du paralytique de Capharnaüm n’attirèrent pas non plus le médecin chez eux, et en cela ils sont égaux au centurion ; mais ils amenèrent le malade au médecin, et en cela ils lui furent inférieurs, parce qu’ils ne dirent point : Prononcez seulement une parole. Toutefois ils l’emportent encore sur le paralytique de Jérusalem ; celui-ci dit en effet : Seigneur, je n’ai personne qui, lorsque l’eau est agitée, me jette dans la piscine. (Jn. 5, 7) Quant aux premiers, ils savaient que le Christ n’a nullement besoin d’eau, de piscine ou d’autre chose semblable. Et cependant le Christ rendit la santé non-seulement au serviteur du centurion, mais encore aux deux derniers, et il ne leur dit point Quoique vous ayez montré moins de foi, vous n’en serez pas moins guéris ; seulement, il comble celui qui en a montré plus de louanges et de félicitations en disant : Je n’ai point trouvé en Israël même une telle foi. (Luc. 7, 9) Pour celui qui en montra moins, il se contenta de ne pas le louer, et ne refusa pas de le guérir, ni lui ni même celui qui ne montra aucune foi. Mais de même que les médecins, pour avoir guéri la même maladie, reçoivent des uns cent pièces d’or, des autres cinquante, de ceux-ci moins encore, de ceux-là rien ; de même le divin médecin reçut, pour ses honoraires, du centurion une foi grande et qu’on ne peut trop louer, du paralytique de Capharnaüm une foi moindre, de l’autre malade nulle foi, et ils n’en furent pas moins guéris tous trois. Pourquoi Jésus accorda-t-il ce bienfait à celui qui n’avait rien donné ? Parce que ce n’est point la négligence, ni l’indifférence, mais l’ignorance où il était à l’égard du Christ dont il n’avait entendu raconter aucune action ni grande, ni petite, qui lui fit montrer si peu de foi. Voilà pourquoi il n’en reçut pas moins un grand bienfait. C’est ce que l’Évangéliste nous indique par ces mots : Il ne savait pas qui il était (Jn. 5, 13), il ne le reconnut à la vue seule, que, quand il le rencontra pour la seconde fois.
5. Quelques-uns disent qu’il fut guéri, bien que ceux qui l’apportèrent eussent seuls la foi, mais il n’en est pas ainsi : Voyant leur foi, dit l’Évangile, tant de ceux qui l’apportèrent que de celui qui fut apporté. – Mais la foi de l’un ne peut-elle pas obtenir la guérison de l’autre, me direz-vous ? – Je ne le crois pas, à moins qu’un âge très-avancé ou une faiblesse extrême n’empêche de croire. – Comment donc, dans l’histoire de la Chananéenne, voyons-nous la mère qui croit et la fille qui est guérie, et dans celle du centurion le serviteur privé de la foi, guéri et sauvé par la foi de son Maître ? – Parce que les malades ne pouvaient avoir la foi. Écoutez les paroles de la Chananéenne : Ma fille est cruellement tourmentée par le démon, tantôt elle tombe dans le feu, tantôt dans l’eau. (Mat. 15, 22) Comment une fille qui était sous l’empire des ténèbres et du démon, qui ne s’appartenait pas, qui n’avait pas même la santé du corps, comment, dis-je, aurait-elle pu avoir la foi ?
Ce qui était arrivé à la Chananéenne arriva au centurion : son serviteur était couché dans sa maison ; ne connaissant pas le Christ, ne sachant pas qui il était, comment aurait-il pu croire à celui qu’il ne connaissait pas, de l’existence duquel il n’avait jamais eu le moindre soupçon ? Mais ici on ne peut pas dire la même chose, car le paralytique crut. – Et qu’est-ce qui le prouve ? – Ce fait seul, qu’il fut amené à Jésus. Ne vous contentez pas de savoir qu’il fut descendu par le toit ; mais pensez au sacrifice d’un malade qui consent à cela. Car vous savez combien les malades sont difficiles et chagrins, jusqu’à refuser les soins qu’on leur donne même sur leurs lits, jusqu’à préférer endurer toujours les douleurs de la maladie plutôt que de supporter les douleurs d’un moment que les