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trouvait personne qui lui pût résister, qui portait le trouble dans tout le judaïsme, qui a remporté un insigne trophée et une victoire éclatante, et qui, si fort, si sage, si rempli de la grâce, a rendu tant de services à l’Église. Avant d’avoir pu prêcher longtemps, n’a-t-il pas été tout à coup saisi, condamné comme blasphémateur et lapidé ? Et Jacques ? n’a-t-il pas été, lui aussi, arraché dès son début à la carrière dans laquelle il commençait, pour ainsi dire, à prendre sa course ? Hérode, pour faire plaisir aux Juifs, ne l’a-t-il pas livré au bourreau, lui, cette colonne, ce support de la vérité ? (Act. 12,2) Combien d’hommes alors n’ont pas été scandalisés à la vue de ces événements ! Mais ceux qui sont restés debout ont vu leur vigueur s’accroître. Écoute en effet ce que dit saint Paul dans son épître aux Philippiens : Je veux vous faire savoir, mes frères, que ce qui m’est arrivé, loin de nuire au progrès de l’Évangile, lui a plutôt servi, en sorte que plusieurs de nos frères en Jésus-Christ, encouragés par mes liens, ont conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu. (Phi. 1,12-14) Vois-tu cette force, cette confiance, cette fermeté d’âme, ce dessein plein de sagesse ? Ils voyaient le maître emprisonné, chargé de chaînes, torturé, frappé, accablé de mille maux, et non-seulement ils ne se scandalisaient pas, mais ils ne se troublaient même pas ; au contraire, ils prenaient plus d’assurance, et les souffrances 'du maître leur inspiraient plus d’ardeur pour affronter les combats. Mais, m’objectes-tu, d’autres sont tombés ? Je ne le nie pas, car il est naturel qu’à la vue de ces malheurs beaucoup d’esprits aient été abattus ; mais, ce que j’ai déjà dit souvent, et ce que je ne cesserai – jamais de répéter, je le redis encore : Ces hommes doivent imputer leur chute à eux-mêmes et non à la nature des choses. En effet, le Christ en quittant la terre nous a laissé cet héritage de souffrances lorsqu’il a dit : Vous aurez à souffrir bien des afflictions dans le monde. (Jn. 16,33) Et ailleurs : Vous serez menés devant les gouverneurs et devant les rois. (Mat. 10,18) Ailleurs encore : Il viendra un temps où quiconque vous fera mourir croira faire une œuvre agréable à Dieu. (Jn. 16,2) C’est donc en vain que tu mets en avant ceux qui ont été scandalisés, car ces choses sont de tous les temps. Mais qu’ai-je besoin de parler des souffrances des apôtres ? Combien n’y a-t-il pas d’hommes qui ont été scandalisés par la croix même de notre Maître commun, qui sont devenus plus méchants et plus audacieux, et qui, passant près du Sauveur, l’ont tourné en plaisanterie par ces paroles : Celui qui détruit le temple de Dieu et le rebâtit en trais jours, ne perd se sauver lui-même ! Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix, et nous croirons en toi. (Mat. 27,40) Cependant ils ne sauraient s’excuser en alléguant le scandale de la croix, car l’exemple du bon larron accuse tous ceux qui se sont rendus coupables de ce crime. Celui-ci en effet a vu Jésus crucifié, et non-seulement il n’en a pas été scandalisé, mais même il en a tiré, une grande occasion de faire preuve de sagesse, et, s’élevant au-dessus de toutes les choses de ce monde, soulevé par les ailes de la foi, il a tourné toute sa pensée vers la vie future. Voyant le Juste attaché à la croix, frappé de vergés, accablé d’outrages, abreuvé de fiel, couvert de crachats, tourné en dérision par Joute une multitude, condamné par le juge, entraîné à la mort, il ne s’est scandalisé d’aucune de ces ignominies ; au contraire, lorsqu’il eut contemplé le bois du supplice et les clous qui y étaient fichés, lorsqu’il eut entendu les insultes si outrageantes qu’adressait au Christ un peuple dépravé, il entra dans la bonne voie et dit à Jésus : Souviens-toi de moi dans ton royaume ! (Luc. 23,42) Il fermait donc la bouche aux accusateurs, il confessait ses iniquités, il méditait sur la résurrection, et cela sans avoir vu ni les morts rendus à la vie, ni les lépreux guéris, ni la mer apaisée, ni les démons chassés, ni les pains multipliés, ni tous ces autres prodiges que le peuple juif avait eus sous les yeux, et qui ne l’avaient pourtant pas empêché de crucifier le Christ ! Ainsi le bon larron le vit attaché à l’instrument du supplice et le reconnut Dieu, parla de son royaume, et médita sur la vie future ; eux, au contraire, après l’avoir vu accomplir ses miracles, après avoir reçu l’enseignement qu’il leur donnait par ses paroles et par ses actions, non-seulement n’ont recueilli de là aucun fruit, mais même l’ont cloué à la croix et se sont précipités dans l’abîme le plus profond de la misère et, de la ruine. Vois-tu comment les méchants et les lâches ne retirent aucune utilité des plus grands secours, et comment les bons et les vigilants font tourner à leur plus grand profit ce qui est pour les autres une occasion de scandale ?