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C’est parce qu’il nous a ordonné de prier pour nos ennemis qu’il prie lui-même pour eux, bien qu’il pût leur pardonner de son propre chef. Il nous a encore commandé de faire du bien à ceux qui nous haïssent et nous affligent (Mt. 5,44) ; il l’a fait lui-même en maintes circonstances ; il délivrait du démon les Juifs, les Juifs qui l’appelaient possédé du démon ; il faisait du bien à ses persécuteurs, il nourrissait ceux qui lui dressaient des embûches, et à ceux qui voulaient le crucifier il ouvrait son royaume. Il disait à ses disciples : Ne possédez ni or, ni argent, ni aucune monnaie dans vos ceintures (Mt. 10,9), et les exhortait par là à la pauvreté ; il nous enseigne ce précepte aussi par ses actions : Les renards, disait-il, ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. (Mt. 8,20) Il n’avait ni table, ni maison, ni rien de semblable, non qu’il ne pût s’en procurer, mais parce qu’il voulait nous apprendre à suivre cette voie. C’est de la même manière qu’il nous a appris à prier. Les apôtres lui disaient : Enseignez-nous à prier. (Lc. 11,1) Et il prie pour qu’ils apprennent à prier. Mais il fallait leur enseigner, outre la nécessité de prier, la manière de le faire. Aussi leur donna-t-il une prière ainsi conçue : Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel, donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour et pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, et ne nous induisez point en tentation (Lc. 11,2, 4), c’est-à-dire, en péril, en embûches. Comme donc il leur avait enseigné cette prière, ne nous induisez point en tentation, il la leur enseigne encore par son exemple, quand il dit : Mon Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi; et il leur montre que les saints ne provoquent pas les dangers, qu’ils ne s’y précipitent pas ; que, quand les dangers arrivent, ils restent fermes, à la vérité, et déploient fout leur courage, mais qu’ils ne s’y jettent pas et ne les affrontent pas d’eux-mêmes. Quoi encore ? il veut nous enseigner l’humilité et nous délivrer de la présomption. C’est pour cela qu’il est dit au même endroit : S’étant avancé, il pria; et qu’après sa prière il dit à ses disciples : Vous n’avez pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez afin que vous n’entriez point en tentation. Vous le voyez, il ne se contente pas de prier, il exhorte encore : car, dit-il, l’esprit est prompt, mais la chair est faible. (Mt. 26,39, 41) Il le fait pour chasser de leur âme l’orgueil et la vanité, pour les rendre humbles et modestes. Donc, la prière qu’il voulait leur enseigner, lui-même la pratiqua, humainement sans doute et non comme Dieu (la Divinité étant impassible et immuable), mais seulement comme homme. Il pria pour nous apprendre à prier et à demander toujours que les dangers s’éloignent de nous, et, si cela ne nous est pas donné, à nous soumettre avec amour au bon plaisir de Dieu. C’est pour cela qu’il dit : Non ma volonté, mais la vôtre, non que sa volonté diffère de celle de son Père, mais pour apprendre aux hommes que, dans leurs appréhensions, leurs craintes, au milieu du danger, et même quand ils se voient arracher à la vie présente, ils doivent toujours préférer à leur propre volonté la volonté de Dieu. Saint Paul, voulant nous apprendre les mêmes choses, nous en donna l’exemple par ses actions ; d’abord il demande que les dangers s’éloignent de lui : C’est pour cela, dit-il, que j’ai prié trois fois le Seigneur (2Cor. 10, 2) ; et comme Dieu ne voulut pas le délivrer, il ajoute : Je me glorifierai encore plus dans mes faiblesses, dans les outrages, dans les persécutions. Ce que j’ai dit est-il obscur ? je vais le rendre plus clair. Saint Paul était environné de dangers et il demandait à en être délivré. Il avait entendu le Christ lui dire : Ma grâce te suffit ; car ma puissance se fait mieux sentir dans la faiblesse. Lorsqu’il vit que telle était la volonté de Dieu, il lui sacrifia sa volonté propre. Il nous apprit donc par sa prière ces deux choses : d’abord à ne pas courir au-devant du danger, et à demander d’en être délivré, ensuite, s’il arrive, à le supporter avec courage et à préférer à sa propre volonté la volonté de Dieu. Nous qui connaissons toutes ces choses, prions donc pour ne jamais entrer en tentation, et, si nous y entrons, supplions notre Dieu de nous donner patience et courage, et préférons toujours la volonté de Dieu à notre volonté. Par là nous achèverons dans la tranquillité notre vie terrestre et nous posséderons un jour les biens éternels ; puissions-nous tous en jouir, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, auquel, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, soient gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.