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tombant sur la terre, pour marquer qu’il est descendu sans bruit et sans agitation dans le sein d’une vierge.
4. Cela toutefois ne lui a pas suffi : descendu parmi nous, de peur qu’on ne croie à une illusion, non seulement il se fait voir, mais il se fait voir longtemps et passe par toutes les vicissitudes que subissent les hommes. Ce n’est pas tout d’un ; coup qu’il arrive à l’état d’homme complet et parfait, mais il descend dans lie sein d’une vierge, il est porté dans ses chastes entrailles, il est mis au monde, nourri de lait, il grandit afin que la longueur de l’épreuve et les changements successifs que le temps a menés nous soient un témoignage irrécusable : bien plus, il ne se contente pas même de cette preuve ; mais revêtu de notre chair, il permet que son humanité ne soit pas étrangère aux faiblesses de notre nature, à la faim, à la soif, au sommeil, à la fatigue ; enfin, il la laisse à mesure qu’il avance vers la croix, éprouver ce qu’éprouvent les autres hommes. De là cette sueur qui découle de tout son corps, cet ange qui vient le fortifier, cette anxiété, cette affliction. Car avant de prononcer les paroles qui nous occupent, il avait dit : Mon âme est troublée, et elle est triste jusqu’à la mort. (Mt. 26,38) Si donc, après tout cela, l’esprit exécrable de Satan, par l’organe de Marcion du Pont, de Valentin, de Manichée le Perse et de tant d’autres hérétiques, a voulu nier la vérité de l’Incarnation et a fait retentir cette parole infernale que Jésus ne s’était pas incarné, qu’il n’avait pas revêtu notre chair, que tous ces dires n’avaient pas de base solide, que ce n’était qu’illusion et apparence, et cela malgré le témoignage éclatant que rendaient la vie de Jésus, ses souffrances, sa mort, son tombeau, sa faim, que serait-ce si ce témoignage avait manqué et combien le démon n’aurait-il pas répandu avec plus de succès ces détestables blasphèmes de l’impiété ? C’est pourquoi, de même qu’il a été soumis et à la faim, et au sommeil, et à la fatigue, et à la soif, de même quand il voit la mort, se présenter, Jésus demande qu’elle s’éloigne, montrant par là qu’il a pris l’humanité, et avec elle les faiblesses de notre nature, qui ne peut sans douleur souffrir la destruction de la vie présente. Si Jésus n’avait pas prononcé les paroles gué j’essaye de vous expliquer, c’est alors que le démon aurait pu dire : s’il était homme, il aurait dû éprouver ce qu’éprouvent les hommes, c’est-à-dire, à la vue de la croix être saisi de crainte et de terreur, ne pas rester sans gémir en se voyant arracher à la vie de ce inonde : car l’amour des choses présentes est naturel en nous. Aussi voulant nous assurer qu’il avait pris notre chair, et confirmer la réalité de son incarnation, il met dans la plus grande évidence les douleurs qu’il souffre.
Voilà ma première réponse ; en voici une autre qui n’est pas moins forte. Écoutez : Le Christ, descendu parmi nous, voulait nous enseigner toute vertu ; mais tout maître enseigne aussi bien par ses actions que par sa parole c’est même là le meilleur moyen d’instruire. Le pilote fait asseoir son élève auprès de lui, lui montre comment il faut tenir le gouvernail et joint la parole à l’exemple, il ne se contente point de parler, il ne se contente point d’agir uniquement. Le maçon qui veut enseigner à un apprenti comment on bâtit un mur, l’instruit par la parole, l’instruit par l’action. Il en est de même du tisserand, du tapissier, de l’orfèvre, de tout art en un mot : partout on enseigne et par la parole et par l’action. Donc, comme Jésus était venu pour nous apprendre toute vertu, non content de nous dire ce qu’il faut faire, il le fait lui-même. Celui qui fera et enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. (Mt. 5,19) Voyez ! il nous a ordonné d’être humbles et doux ; il nous l’a enseigné par ses paroles, remarquez comme il nous l’enseigne aussi par ses actions. C’est en disant : Bienheureux les simples d’esprit, bienheureux ceux qui sont doux (Mt. 5,3, 4), qu’il nous en a donné le précepte. Comment l’a-t-il pratiqué ? Ayant pris un linge il s’en ceignit et lava les pieds de ses disciples. (Jn. 13,4, 5) Que pourra-t-on trouver de comparable à cette humilité ? Ce n’est donc pas seulement par la parole qu’il enseigne cette vertu, c’est encore par l’action. Il nous montre aussi par ses actions qu’il faut être doux et ne point garder de rancune. Comment cela ? Ayant reçu un soufflet d’un des esclaves du grand prêtre, il se contente de lui dire : Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? (Jn. 18,23) II nous a commandé de prier pour nos ennemis ; il nous l’enseigne aussi par ses actes ; élevé sur la croix, il dit : Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. (Lc. 18,34)