Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

prêchez-vous sans trouble l’Évangile dans Rome ? Avez-vous fait dans l’église de longs discours sur la foi, et gagné bon nombre de disciples ? Avez-vous ressuscité les morts et fait éclater des miracles ? Avez-vous guéri des lépreux et étonné la multitude ? Avez-vous chassé des démons, et le peuple a-t-il célébré vos louanges ? Rien de pareil, répond l’Apôtre. Quel est donc ce progrès de l’Évangile ? C’est que mes liens sont devenus célèbres à la cour de l’empereur et dans tous les lieux de Rome. (Id. 13) Que dites-vous ? Est-ce là ce progrès, cette extension, cet accroissement de la prédication, que tous les hommes aient appris que vous êtes dans les fers ? Oui, dit-il. Et la suite va vous montrer que ces fers, loin d’être un obstacle à la prédication, étaient un nouveau sujet de confiance : Ainsi, plusieurs de nos frères en Notre-Seigneur ont, pris confiance en mes liens, et conçu une hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte la parole de Dieu. (Id. 14) Que dites-vous, Paul ? Au lieu de jeter le doute dans leur âme, vos liens leur ont inspiré la confiance, et, au lieu de la crainte, l’ardeur ? Il n’y a nulle raison dans ces paroles ! – Je le sais. Mais ce n’est point la raison humaine qui peut expliquer ces événements, dit-il. Ils surpassent la nature et viennent de la grâce céleste. Voilà pourquoi ce qui ébranlait les autres inspirait la confiance aux fidèles. Quand l’ennemi fait captif un général, le charge de chaînes et fait connaître son sort, il met en fuite tous ses soldats ; quand les voleurs se saisissent d’un berger, ils enlèvent le troupeau sans coup férir. Mais il n’en était point ainsi de Paul, et le contraire arrivait : le général était aux fers, et les soldats, pleins d’une ardeur nouvelle, s’élançaient au combat avec plus de confiance ; le berger était chargé de chaînes, et le troupeau n’était ni détruit, ni dispersé.
8. Qui jamais a vu, qui jamais a out dire que les afflictions des maîtres aient consolé les disciples ? Comment ne furent-ils pas saisis de crainte et ne dirent-ils point à Paul : Médecin, guéris-toi toi-même? (Lc. 4,23) Délivrez-vous des maux et de leurs chaînes, et vous nous procurerez ensuite tous les biens que vous nous promettez. Comment ne lui parlèrent-ils point ainsi ? Comment ? C’est qu’ils étaient instruits, par la grâce du Saint-Esprit, que tous ces maux n’arrivaient point par la faiblesse de leur maître, mais par la permission du Christ, afin de donner à la vérité un nouvel éclat, et de lui procurer, par ces chaînes, cette prison, ces douleurs et ces angoisses, accroissement et grandeur. C’est ainsi que la puissance du Christ paraît d’une manière plus accomplie dans la faiblesse. (2Cor. 12,9). Si Paul n’eût trouvé dans ses liens que découragement et timidité, c’est alors que lui-même et ceux qui s’étaient attachés à lui auraient eu de justes sujets de crainte ; mais, s’il y puisait plus de confiance et voyait s’accroître sa gloire, il faut s’étonner et admirer qua de l’ignominie le maître ait tiré de la gloire, et qu’un effrayant supplice ait apporté aux disciples confiance et consolation : Car, quel homme n’était point frappé d’étonnement à la vue de Paul chargé de chaînes ? Les démons fuyaient plus vite en le voyant dans sa prison. C’est que le diadème donne moins d’éclat à une tête couronnée, que n’en donnaient aux mains de l’Apôtre ces fers, qui ne sont point un ornement de leur nature, mais qui brillaient des splendeurs de la grâce. C’est elle qui prodiguait aux fidèles les consolations : ils voyaient les mains de Paul enchaînées, mais sa langue libre ; ses bras chargés de chaînes, mais sa parole sans entraves parcourir, plus rapide qu’un rayon de soleil, la terre tout entière. Et ils se consolaient en apprenant, par les œuvres, qu’il n’y a rien de considérable dans les choses présentes ; car une âme vraiment pleine de l’amour de Dieu ne jette ses regards sur aucune des choses présentes. Mais, comme les insensés courent sans hésiter au feu, au fer, aux bêtes sauvages, à la mer, ces hommes, saisis d’un délire sublime, délire spirituel engendré par la sagesse, se riaient de toutes les choses terrestres. Aussi ; en voyant leur maître dans les fers, ils faisaient éclater une joie plus vive, témoignant pat leurs œuvres, à leurs adversaires, qu’ils étaient de toutes parts imprenables, invincibles.
9. A ce moment et dans ces circonstances, quelques ennemis de Paul, pour attiser la guerre, et aviver la haine que le tyran nourrissait contre lui, entreprirent de feintes prédications, où ils enseignaient la véritable foi pour faire progresser la doctrine. Mais ce n’était point dans le dessein de répandre la foi dans le monde. Ils voulaient que Néron fût instruit du progrès de la prédication et de l’accroissement de la doctrine, et se hâtât de faire périr l’Apôtre. Il y avait donc deux enseignements : celui des disciples de Paul, et celui de ses ennemis ; les uns prêchant pour rendre témoignage