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pour homme par les dehors. Il s’est humilié lui-même, s’étant abaissé jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. (Phil. 2,6-8) Et c’est de Jésus-Christ lui-même que viennent ces autres paroles : Et si mon Père m’aime, c’est parce que je quitte ma vie pour la reprendre. (Jn. 10,17) Mais si, loin de suivre en cela sa propre volonté, il demande le contraire à son Père, comment son Père peut-il l’aimer précisément à cause de cela ? Car nous n’aimons que ce qui est conforme à nos désirs. Comment donc saint Paul peut-il dire encore : Aimez-vous les, uns les autres, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous ? (Eph. 5,2) Et le Christ lui-même, sur le point d’être crucifié, disait : Mon Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils (Jn. 17,1), appelant gloire sa croix. Et pourquoi tantôt la rejette-t-il, tantôt la demande-t-il ? Que la croix soit une gloire, il suffit pour vous en convaincre d’écouter l’Évangéliste : L’Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. (Id. 17,39)
Ce qu’il veut dire par là, le voici : La grâce n’avait pas encore été donnée, parce que la haine de Dieu n’était pas encore dissipée, la croix n’ayant pas encore été dressée. Car la croix a mis fin à la colère de Dieu contre les hommes, elle a réconcilié le Créateur avec la créature, fait de la terre un ciel, élevé les hommes au rang des anges, détruit l’empire de la mort, énervé la puissance du démon, brisé la tyrannie du péché, délivré la terre de toute erreur, ramené la vérité, chassé les démons, renversé les temples, anéanti les autels, fait évanouir la fumée des sacrifices, propagé le règne de la vertu et enraciné l’Église. La croix, c’est la volonté du Père, la gloire du Fils, la joie du Saint-Esprit ; c’est en la croix que saint Paul se glorifiait : Pour moi, disait-il, à Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n’est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (Gal. 6, 14) La croix, elle est plus brillante que le soleil, plus éclatante que ses rayons. Lorsque le soleil s’obscurcit elle brille, et s’il est obscurci, ce n’est pas qu’il soit anéanti, mais sa splendeur est effacée par celle de la croix. La croix a déchiré la cédule de notre dette, elle a rendu inutile la prison de la mort, elle nous a montré jusqu’où allait l’amour divin : Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point. (Jn. 3,16) Et de nouveau saint Paul : Nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils. (Rom. 5,10) La croix, c’est un rempart inexpugnable, une armure invincible, la sûreté des riches, la richesse des pauvres, une protection contre les embûches, un bouclier contre les ennemis, la destruction des passions, la possession de la vertu, le miracle étonnant et singulier entre tous : Cette génération demande un miracle, et il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas (Mt. 12,39) ; et encore saint Paul : Car les Juifs demandent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse ; et nous, nous prêchons le Christ crucifié. (1 Cor. 1,22) La croix a ouvert le paradis, y a introduit le bon larron et conduit vers le ciel le genre humain qui allait périr certainement et qui n’était même plus digne de la terre. Eh quoi ! tant de biens ont découlé et découlent encore de la croix, et Jésus-Christ ne veut pas être crucifié, croyez-vous ? Mais qui pourrait parler ainsi ? S’il ne l’avait pas voulu, qui l’aurait forcé ? qui l’aurait contraint ? Comment aurait-il envoyé des prophètes pour annoncer son crucifiement, s’il ne devait pas être crucifié et ne le voulait pas ? Pourquoi appelle-t-il la croix un calice, si ce n’est parce qu’il doit être crucifié ? Ce mot ne peut qu’indiquer quel était son désir. Ceux qui ont soif se réjouissent quand ils pensent qu’ils sont sur le point de boire, et lui se réjouit en pensant que le moment approche où il sera crucifié. C’est pourquoi il dit : J’ai désiré d’un grand désir de manger cette Pâque avec vous. (Lc. 22,15) Ce n’est pas sans intention qu’il parle ainsi, mais parce que le lendemain la croix l’attendait.
3. Mais comment, après avoir appelé gloire sa passion, après s’être fâché contre le disciple qui voulait le détourner de la croix, après avoir proclamé que le caractère distinctif d’un bon pasteur c’était de se faire immoler pour ses brebis, après avoir dit qu’il désirait sa passion d’un grand désir et avoir couru vers elle de lui-même, comment, dis-je, peut-il demander qu’elle n’arrive pas ? S’il ne le voulait pas, était-ce difficile à lui d’empêcher ceux qui venaient le prendre ? Voyez plutôt comme il vole au-devant de son supplice. Lorsqu’ils furent arrivés à lui, il leur dit : Qui cherchez-vous ? Et ils répondirent : Jésus. Il leur dit alors : C’est moi, et ils furent renversés, et ils tombèrent parterre. (Jn. 18,6) Après les avoir aveuglés et leur avoir montré qu’il aurait pu s’enfuir, il se livra à eux pour nous