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part à la charité qu’on fait aux saints de Jérusalem. (2Co. 8,1-4) Voyez-vous qu’il les admire davantage, parce que ce fut avec reconnaissance, avec prières et supplications qu’ils firent paraître leur générosité ?
3. Et si nous admirons Abraham, ce n’est point seulement parce qu’il immola un veau let pétrit la farine, mais parce qu’il reçut ses hôtes avec une joie et une humilité profonde, courant au-devant d’eux, les servant, les appelant ses maîtres, persuadé qu’il avait trouvé un trésor inépuisable, quand il voyait un hôte chez lui. En effet, l’aumône est double quand nous donnons et que nous donnons avec empressement. Dieu aime ceux qui donnent avec joie (2Co. 9,7), dit l’Apôtre. Vous donneriez dix mille talents, si c’est avec orgueil, jactance et vaine gloire, c’est autant de perdu : ainsi, le pharisien qui donnait la dîme de son bien, mais avec orgueil et vanité, avait perdu le fruit de ce don en sortant du temple. Il n’en était point ainsi du temps des apôtres : c’était avec joie, avec allégresse qu’on donnait ses richesses, et dans la pensée qu’on s’enrichissait ainsi ; et l’on s’estimait heureux quand les apôtres daignaient les recevoir. Et de même que les hommes appelés aux plus hautes magistratures et obligés d’aller habiter les grandes villes du royaume, s’y transportent après avoir réalisé toute leur fortune ; ainsi faisaient ces hommes appelés au ciel, à la patrie d’en haut, au céleste royaume lis savaient que c’était là leur vraie patrie ; ils réalisaient tous leurs biens et les y envoyaient devant eux par les mains des apôtres. C’est en effet la dernière folie de laisser ici-bas la moindre de nos possessions, puisque nous devons sitôt partir nous-mêmes ! Tout ce que nous y laissons après nous est perdu. Envoyons donc tous nos biens au lieu où nous devons habiter nous-mêmes. C’était dans, ces pensées qu’ils renonçaient à leur fortune, et faisaient ainsi deux fois le bien : car ils soulageaient la misère des pauvres, et s’assuraient une fortune plus grande et plus certaine en faisant passer au ciel leurs possessions.
De cette loi et de cette coutume naquit alors dans l’Église un usage admirable : les fidèles assemblés, après les instructions, les sermons et la participation aux mystères, quand finissait la sainte réunion, ne se retiraient point aussitôt chez eux ; les plus riches et les plus opulents portaient de chez eux des aliments et des mets, et appelaient les pauvres. Ils s’asseyaient avec eux à table ; c’étaient des repas et des festins communs dans l’Église même ; 1a communauté de la table, la sainteté du lieu, tout enfin resserrait les liens de la charité, c’était pour tous un plaisir en même temps qu’un avantage. Les pauvres étaient efficacement consolés, les riches s’attiraient l’amour de ceux qu’ils nourrissaient, celui de Dieu pour qui ils le faisaient, et s’en retournaient plein de grâces. De là découlaient mille biens, et d’abord l’amour croissant à chaque réunion entre les bienfaiteurs et les obligés ; assis à la même table. Les Corinthiens, avec le temps, perdirent cette coutume : les riches mangeaient à part, ils dédaignaient – les pauvres, ils n’attendaient pas les retardataires, ceux que retenaient les nécessités où sont soumis les pauvres et qui n’arrivaient point à temps. Et quand ils venaient enfin, la table était levée, ils se retiraient tout honteux. Les uns s’étaient trop hâtés, les autres avaient trop tardé. Paul, voyant les maux qu’avait causés cette désunion et ceux qu’elle devait causer encore, car les riches méprisaient et dédaignaient les pauvres, les pauvres souffraient et détestaient les riches, et tous les maux enfin qui devaient sortir de cette source, essaya de corriger cette vicieuse et funeste coutume. Et voyez avec quelle prudence et quelle modération il entreprend cette correction : Voici ce que je vous dis d’abord : je ne puis vous louer de ce que, dans vos assemblées, vous vous conduisiez de manière qu’elles vous nuisent au lieu de vous servir. (1Co. 2,17) Qu’est-ce à dire : au lieu de vous servir ? Vos ancêtres, dit-il, et vos pères vendaient leurs biens, leurs domaines, leurs possessions, mettaient tout en commun et s’aimaient les uns les autres ; et vous, qui devriez rivaliser avec eux, non seulement vous ne les imitez point, mais vous avez perdu le seul bien que vous eussiez, la coutume des repas en commun après ces réunions. C’est pourquoi il dit : Vos assemblées vous nuisent au lieu de vous servir.
Ils abandonnaient toutes leurs richesses aux pauvres, et vous, vous les avez chassés de la talle qu’ils partageaient avec vous. Car, premièrement, j’apprends que quand vous vous assemblez dans l’église, il y a des divisions entre vous, et je le crois en partie. (1Co. 11,18)
4. Remarquez de nouveau la prudence de cette correction. Il ne dit ni : Je le crois, ni : je ne le crois pas ; il prend un moyen terme :