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admirable enseignement qui sauve, tourmenté par ceux à qui il avait fait tant de bien ; honoré par les Gentils qui n’avaient rien vu, qui n’avaient rien entendu. Il y avait là un sujet d’étonnement, de doute, d’incrédulité. Voilà pourquoi, bien avant le temps, le Seigneur nous montre, par ses serviteurs, la perversité des Juifs, l’affabilité, la douceur des Gentils. Voyez l’exemple de Joseph ! ceux à qui lui-même venait distribuer des vivres entreprirent de le tuer ; au contraire, un barbare l’éleva au faîte des honneurs. Voyez Moïse comblés de ses bienfaits, les Juifs le chassent ; un barbare, Jothor, lui donne l’hospitalité, lui fait un accueil affectueux. Voyez David, que Saül chassa, après qu’il eut tranché la tête de Goliath, et délivré Saül, et la cité tout entière de mille pressants dangers : au contraire, Anchus, un roi barbare, accueillit David et le combla d’honneurs. De même, ici encore, Élie chassé par les Juifs est accueilli par une veuve. Donc, lorsque vous verrez le Christ repoussé par eux, accueilli par les nations, rappelez-vous les figures qui présagent dans le passé, l’avenir, et ne vous étonnez pas d’une vérité qui se manifeste elle-même. Vous avez aujourd’hui entendu la parole du Christ qui vous fait entrevoir cet événement. Dans ses entretiens avec ces Juifs, irrités contre lui, il leur disait : Il y avait beaucoup de veuves au temps d’Élie. Élie ne fut envoyé chez aucune d’elles, mais chez une veuve de Sarepta, dans le pays des Sidoniens. (Lc. 4,25) Mais, peut-être demandera-t-on, voilà un homme qui a montré pour la gloire de Dieu un zèle si ardent ; pourquoi Dieu souffre-t-il qu’on l’afflige, qu’on lui rende la vie pleine d’angoisses ? pourquoi l’envoie-t-il, tantôt vers un torrent, tantôt chez une veuve, ailleurs encore, comme un exilé qu’il force à passer d’un lieu dans un autre ? Ces afflictions, ces angoisses vous préoccupent ? écoutez encore ce qu’en dit Paul : Ils étaient vagabonds, couverts de peaux de chèvres, manquant de tout, affligés, persécutés. (Héb. 11,37) Pourquoi donc Dieu a-t-il permis qu’il fût affligé ? Car enfin, si le prophète avait infligé ce châtiment aux Juifs pour venger les torts dont ils s’étaient rendus coupables envers lui, on aurait raison de dire qu’il était lui-même rangé avec justice sous le coup d’une affliction destinée à le rendre plus humain, à le corriger de sa cruauté ; mais, au contraire, ce n’est pas parce qu’il leur gardait rancune des mauvais traitements qu’il en avait reçus, c’est parce qu’il détestait leurs fautes contre Dieu, leur malignité, leur insolence ; voilà pour quelles raisons il les frappait de cette famine. Comment donc se fait-il qu’il soit lui-même soumis au châtiment, qu’il le subisse avec eux ? pourquoi ne jouit-il pas de l’abondance de tous les biens, sans avoir rien à craindre ? C’est que, si le Prophète, pendant que les autres étaient frappés par le fléau, pendant que les autres périssaient par la faim, eût joui des délices d’une bonne table, on aurait pu l’accuser de cruauté. Qu’offrirait de merveilleux l’existence d’un homme qui a tout en abondance, et qui jouit des malheurs d’autrui ? Dieu donc a permis qu’il eût sa part du, désastre, qu’il sentît par expérience les malheurs qui se réalisaient ; qu’il eût sa part des tourments de la faim, pour vous apprendre que ce qu’il éprouvait le plus, ce n’était pas la faim, mais le zèle de Dieu. Et en effet, dans cette vie d’angoisses, pressé par ce manque absolu de ressources, tourmenté, affligé, rien ne put pourtant le contraindre à rapporter ses menaces, parce que l’ardeur d’un vrai zèle s’exprimait par cette voix bienheureuse. Aussi, trouvait-il plus de charmes à subir l’affliction lui-même, à regarder le châtiment des coupables, qu’à les voir affranchis du fléau et retombant dans leur première impiété.
6. Telles en effet se montrent partout les âmes des saints ; pour la correction des autres ils exposent volontiers eux-mêmes leur propre sécurité. Dieu n’a pas voulu qu’on pût dire qu’Élie, par un excès de cruauté, avait prolongé la famine, et Dieu permit que son serviteur en souffrît lui-même, afin de vous faire comprendre la vertu du Prophète. Autre raison d’ailleurs, souvent ceux qui opèrent des miracles cèdent à l’orgueil qui les emporte, et les témoins de ces miracles se persuadent facilement qu’il y a, dans ceux qui les font, quelque chose de supérieur à la nature. Dieu a pourvu à ces deux dangers, en soutenant et corrigeant notre faiblesse. Que les choses se passent ainsi, c’est ce qu’il est facile de conclure des paroles de l’Apôtre. Écoutez Paul, quand il déclare que le don des miracles provoque l’orgueil : De peur que la grandeur de mes révélations ne me causât de l’orgueil, j’ai ressenti dans ma chair un aiguillon, qui est l’ange de Satan, pour me donner des soufflets. (2Cor. 12,7) Quant aux témoins portés à