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même chose : l’un n’était pas chargé spécialement des pauvres parmi les Juifs, et l’autre des pauvres parmi les Gentils, mais ils s’occupaient tous deux, avec un grand soin, des pauvres de la Judée. C’est ce qui faisait dire à saint Paul : Ils nous recommandèrent seulement de nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu aussi grand soin de faire. Quels sont donc les pauvres dont il parle ici, et dans l’épître aux Romains, et dans celle aux Galates, pour lesquels il exhorte encore les Macédoniens ? ce sont les Juifs pauvres qui étaient à Jérusalem. Et pourquoi s’occupe-t-il d’eux avec tant d’attention ? est-ce qu’il n’y avait pas de pauvres et d’indigents dans chacune des autres villes ? pourquoi donc n’envoie-t-il d’aumônes qu’aux pauvres de Jérusalem, et exhorte-t-il pour eux les fidèles des autres pays ? Ce n’est pas sans motif et au hasard, ni par acception de personne qu’il le fait, mais par raison d’utilité et de convenance.
Il est nécessaire de reprendre les choses d’un peu plus haut. Lorsque l’empire des Juifs fut tombé, lorsqu’ayant crucifié Jésus, ils eurent prononcé contre eux-mêmes cette sentence Nous n’avons de roi que César (Jn. 19,15), et qu’ils furent désormais soumis aux Romains, ils ne se gouvernaient plus par leurs propres lois comme auparavant, sans qu’ils fussent aussi assujettis que de nos jours ; mais ils étaient au rang d’alliés, ils payaient tribut aux empereurs, et recevaient des gouverneurs choisis par eux. Cependant ils usaient de leurs propres lois dans plusieurs occasions, et punissaient leurs coupables suivant leurs anciennes ordonnances. Ce qui prouve qu’ils payaient tribut aux Romains, c’est que s’étant approchés de Jésus pour le tenter, ils lui firent cette demande : Maître, est-il libre ou non de payer le tribut à César ? (Mat. 22, 17) Jésus-Christ leur ayant fait montrer une pièce de monnaie, leur dit : Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Saint Luc dit expressément que le temple était occupé par des chefs de troupes romaines. Ce sont là des preuves très-fortes que les Juifs étaient soumis aux Romains. Mais ce qui prouve qu’ils usaient souvent de leurs propres lois, c’est qu’ils ont lapidé Étienne sans le mener devant un tribunal, qu’ils ont fait mourir Jacques, frère du Seigneur, qu’ils ont crucifié Jésus-Christ lui-même, quoique le juge le déclarât purgé de toute accusation, et lui permît de se retirer. Aussi Pilate se lava-t-il les mains en disant : Je suis innocent du sang de cet homme (Mat. 27,24) ; et comme il se vit pressé par les Juifs, il se retira sans prononcer. Les Juifs, de leur propre autorité, le condamnèrent, et firent le reste. Ils ont aussi souvent attaqué saint Paul. Comme donc ils se jugeaient eux-mêmes, il arrivait de là que ceux d’entre eux qui croyaient en Jésus-Christ avaient plus à souffrir que partout ailleurs. Chez les autres peuples, il y avait des tribunaux, des lois, des magistrats ; et il n’était pas permis aux Gentils de faire mourir, de lapider ceux d’entre eux qui s’écartaient des usages, ou de leur faire quelque autre mal, de leur propre autorité ; mais si l’on en surprenait quelqu’un à commettre quelque acte de violence contre la volonté des juges, il était puni lui-même. Les Juifs, au contraire, avaient pour ces sortes de violences illégales une entière licence. Aussi, je le répète, ceux d’entre eux qui avaient embrassé la foi étaient plus persécutés que les chrétiens des autres nations ; ils étaient comme des brebis au milieu des loups, et ils ne trouvaient personne qui vînt à leur secours. Les Juifs battirent souvent de verges saint Paul, comme nous l’apprenons de lui-même : J’ai reçu des Juifs, dit-il, en cinq fois différentes, trente-neuf, coups de fouet ; j’ai été battu de verges par trois fois ; j’ai été lapidé une fois. (2Co. 2,24-25) Et pour preuve que nous ne parlons point par conjecture, écoutez ce que saint Paul écrit aux Hébreux : Rappelez en votre mémoire ces premiers temps, auxquels, après avoir été éclairés par la foi, vous avez soutenu de grands combats dans les afflictions que l’on vous a fait souffrir, ayant été d’une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements, et de l’autre ayant été compagnons de ceux qui ont enduré de pareils outrages ; car vous avez vu avec joie tous vos biens pillés, sachant que vous aviez dans les cieux d’autres biens plus excellents et plus durables. (Heb. 10,32-34) Il exhorte ainsi les Thessaloniciens, en les produisant pour exemple : Mes frères, leur dit-il, vous êtes devenus les imitateurs des Eglises de Dieu, qui ont embrassé la foi de Jésus-Christ dans la Judée, ayant souffert les mêmes persécutions, de la part de vos concitoyens, que ces Églises ont souffertes de la part des Juifs. (1Th. 2,14) Ainsi, comme les fidèles de Jérusalem avaient plus à souffrir que dans toute autre ville, qu’on les persécutait