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une chose. Après avoir dit : Que celui qui a une bourse, que celui qui a un sac, les emporte, il ajouta : Et que celui qui n’en a pas, vende son vêtement, et achète une épée. Et quoi ! voici qu’il arme ses disciples, celui qui a dit : Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui l’autre ? (Mat. 5,39 ; Luc. 6,29) Celui qui nous a ordonné de bénir ceux qui nous injurient, de supporter les outrages, de prier pour nos persécuteurs, le voici à présent qui arme ses apôtres, et rien qu’avec l’épée ? Comment cela peut-il être raisonnable ? Car enfin, s’il fallait à toute force les armer, ils n’avaient pas seulement besoin d’épées, mais aussi d’un bouclier, d’un casque et de cnémides. Et d’ailleurs, s’il voulait prendre de telles dispositions au point de vue humain, de combien de gens un ordre semblable ne devait-il pas être la risée ? Quand ils auraient possédé des milliers de pareilles armes, quelle figure allaient faire ces onze apôtres devant toutes les attaques, tous les pièges des peuples et des tyrans, des villes et des nations ? Auraient-ils pu entendre hennir un cheval ? n’auraient-ils pas été saisis de terreur à l’aspect seul des armées, ces hommes élevés au milieu des lacs et des rivières, sur de frêles esquifs ? Et pourquoi donc leur parle-t-il ainsi ? Il veut leur annoncer les attaques des Juifs, et insinuer que ces derniers s’empareront de lui. Il ne voulut pas le dire clairement, mais à mots couverts, pour ne pas jeter sas disciples dans un nouveau trouble. Il en est de ceci comme lorsque vous l’entendez dire : Ce que l’on vous a dit à l’oreille, publiez-le sur les tons, et ce que vous avez entendu dans les ténèbres, dites-le en plein jour. (Mat. 10,27 ; Luc. 12,3) Car vous ne soupçonnez pas alors qu’il leur commande de quitter les rues et la place publique pour aller réellement proclamer la parole sur les toits ; et nous ne voyons pas, en effet, que les disciples aient agi ainsi, mais par ces mots : Sur les toits, en plein jour, il entend en toute liberté de langage ; et par ceux-ci : A l’oreille, dans les ténèbres, il veut dire : Ce que vous avez entendu dans un petit coin du monde, dans un seul petit canton de la Palestine, faites-le retentir par toute la terre. Aussi bien n’était-ce ni à l’oreille, ni dans les ténèbres qu’il leur parlait, mais sur les hautes montagnes, et souvent dans les synagogues. Eh bien ! nous devons ici admettre la même chose. De même que par l’expression : sur les toits, nous avons compris autre chose ; de même, ne supposons pas, à cause de ce mot d’épée, qu’il leur ait prescrit d’avoir véritablement des épées ; mais entendons par là une allusion aux embûches qu’on lui prépare, une prédiction de ce que les Juifs lui feront souffrir, et qu’il souffrit en effet. Ce qui suit en est la preuve. Après avoir dit : Qu’il achète une épée, il ajoute : Car il faut que ce qui est écrit de moi s’accomplisse. (Luc. 22,37) Que j’ai été compté parmi les injustes. (Isa. 53,12) Et quand les apôtres lui eurent répondu : Il y a ici deux épées, car ils ne comprenaient pas ce qu’il avait voulu dire, il répliqua : Cela suffit. (Luc. 22,38) Pourtant, cela ne suffisait certes pas ; car s’il voulait qu’ils se servissent de secours humains, deux épées ni trois n’auraient pas suffi, ni cent non plus ; et s’il ne le voulait pas, les deux même étaient de trop. Toutefois, il ne leur expliqua pas l’énigme ; et nous le voyons souvent agir ainsi : comme ils n’ont pas compris ce qu’il a dit, il passe outre et laisse-la chose de côté, s’en remettant à l’accomplissement des événements ultérieurs pour l’intelligence de ses paroles c’est, je le répète, ce qu’il à fait dans d’autres circonstances. Ainsi, en parlant de sa résurrection, il leur disait : Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours. (Jn. 2,19) Et de même les disciples ne surent pas ce qu’il voulait dire ; c’est ce que l’Évangéliste nous fait remarquer en ces termes : Et, quand Jésus fut ressuscité, alors ils crurent à sa parole, et à l’Écriture. (Id. 5,22) Et encore autre part : Car ils ne savaient pas qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts. (Jn. 20,9)
4. Mais la question est maintenant suffisamment résolue : passons à la seconde partie qui reste de la salutation. De quoi donc s’agissait-il, et comment en sommes-nous venus à cette digression ? Nous déclarions Priscille et Aquila bienheureux parce qu’ils habitaient avec saint Paul, parce qu’ils observaient soigneusement sa manière de se vêtir, de se chausser, et tous les autres détails de sa manière d’être. C’est ce qui a donné lieu à la question précédente ; car nous nous sommes demandé pourquoi, malgré la défense du Christ de posséder absolument rien sinon un seul vêtement, nous voyions les apôtres avoir des chaussures et un manteau. Alors notre discours vous a montré qu’en usant de ces objets, ils ne transgressaient pas la loi, mais qu’ils l’observaient parfaitement.