Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 4, 1864.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme beaucoup d’ignorants ne trouvaient pas en eux-mêmes de quoi concevoir de l’orgueil, ni exercer sur le prochain une mordante critique, ils se donnaient des chefs du mérite desquels ils se prévalaient pour déverser le mépris autour d’eux. Ainsi la sagesse de ceux qui les instruisaient leur devenaient un prétexte d’arrogance envers les autres.; singulière manie de gloire que d’en tirer même de ce qui ne leur appartenait pas, et d’abuser des avantages d’autrui pour mépriser leurs frères ! Comme donc ils étaient enflés d’orgueil, désunis, et partagés en beaucoup de sectes, qu’ils tiraient vanité de la doctrine, comme s’ils l’avaient tirée d’eux-mêmes et non reçue d’en haut, comme si les dogmes de la vérité leur fussent venus d’ailleurs que de la grâce de Dieu, l’Apôtre voulait réduire cette vaine enflure ; et c’est pourquoi, dès le début de son épître, il fait valoir sa vocation. C’est comme s’il disait : Si moi, qui suis votre maître, je n’ai rien tiré de mon propre fonds, si je n’ai pas prévenu Dieu dans ma conversion, si je n’ai fait que répondre à une vocation, comment vous, mes disciples, vous qui avez reçu de moi les dogmes, pouvez-vous en tirer vanité comme si vous les aviez trouvés vous-mêmes ? Au reste, cette pensée se trouve explicitement exprimée plus loin : Qui est-ce qui met de la différence entre vous ? Qu’avez-vous que vous n’ayez reçu ? Que si vous l’avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous comme si vous ne l’aviez point reçu ? (1Co. 4, 7)
Ainsi donc ce mot de vocation mis par l’Apôtre en tête de son épître est à lui seul une leçon d’humilité, il fait évanouir l’enflure, il rabaisse l’orgueil. Rien ne dompte et ne confient mieux les passions de l’homme que l’humilité, que la modestie, que la simplicité, que l’opinion vraie et non exagérée qu’on a de soi. Aussi le Christ, révélant pour la première fois la doctrine céleste, commence-t-il par exhorter à l’humilité, et dès qu’il ouvre la bouche pour instruire, la première loi qu’il porte est celle-ci : Bienheureux les pauvres d’esprit ! (Mat. 5, 3) Comme celui qui projette de bâtir une grande et magnifique maison, établit d’abord un fondement en rapport avec l’édifice, afin qu’il puisse sans fléchir en supporter la ruasse énorme, ainsi le Christ, sur le point d’élever l’édifice de la religion dans les âmes ; voulant avant tout poser un fondement solide, inébranlable, choisit la vertu d’humilité pour faire porter sur elle toute la vaste construction qu’il médite, parce qu’il sait bien qu’une fois cette base solidement assise dans les cœurs, on pourra, sans crainte, élever dessus toutes les autres parties du palais de la vertu. Bâtir sur un autre fondement, c’est se condamner à ne rien faire de durable et à travailler en vain, à l’exemple de celui qui ayant construit sur le sable eut beaucoup de peine et nul profit, précisément parce qu’il avait négligé la solidité des fondements : Oui, quelque bien que nous fassions, si nous n’avons pas l’humilité, tout le fruit de nos œuvres se trouve corrompu et perdu. Et quand je dis l’humilité, je ne parle pas de celle qui n’est que dans la parole et sur la langue, mais de celle qui vit dans le cœur, dans l’âme, dans la conscience, de celle que Dieu peut seul voir. Cette vertu suffit, même ; quand elle est seule, pour nous rendre Dieu propice : témoin le publicain ; il n’avait aucune bonne œuvre à présenter, aucun acte vertueux, mais il sut dire du fond du cœur : Soyez-moi propice à moi pécheur (Luc. 18, 13), et il descendit chez lui plus justifié que le pharisien, quoique ces paroles fussent moins des paroles d’humilité que de modestie et d’équité. Car avoir fait de grandes choses et no pas s’en glorifier, voilà de l’humilité, mais se sentir pécheur et l’avouer, – ce n’est que do la modestie. Si celui qui avait conscience de n’avoir fait aucun bien, s’est attiré à ce point la bienveillance de Dieu, uniquement pour en avoir fait l’aveu, de quelle faveur ne jouiront pas ceux qui, pouvant se rendre le témoignage d’avoir accompli de grandes choses, les oublient jusqu’à se placer au dernier rang ! c’est ce que fit saint Paul, lui qui était au premier rang parmi les justes, et qui se disait le dernier des pécheurs. (1Ti. 1, 15) Et non-seulement il le disait, mais il le croyait, ayant appris du divin Maître que, même après avoir fait tout ce qui nous est commandé, nous devons nous estimer des serviteurs inutiles. (Luc. 17, 10) Voilà la, véritable humilité : imitez Paul vous qui avez des vertus, suivez le publicain vous qui êtes remplis de péchés ; out, confessez ce que vous êtes, frappez-vous la poitrine, formons notre esprit aux humbles pensées sur nous-mêmes. Une telle disposition est par elle-même une offrande et un sacrifice, David nous l’assure : C’est un sacrifice aux yeux de Dieu qu’un esprit brisé. Dieu ne rejettera jamais un cœur contrit et humilié. (Psa. 50, 19) Il ne dit pas simplement :